Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et ce qui la réjouissait surtout, c’était un retour imprévu aux pratiques d’autrefois : avec le soir, sa maison s’emplissait comme une ruche. De chaque village, en effet, on venait volontiers l’entendre. Car tout bruit trouvait créance chez elle, toute rumeur une amplification. Les plus naïves comme les plus pieuses savaient pouvoir rencontrer sur ses lèvres et dans son cœur un écho de leurs superstitions ; comme elle n’était pas sans défaut, les pécheresses ne la redoutaient point. La pratique du bien et du mal avait élargi sa vision ; pour le ciel comme pour l’enfer, on sollicitait ses conseils : auprès de toutes, la bonne fille passait pour avertie.

Elle était informée du passé comme du présent, qu’elle savait dramatiser et orner de couleurs fantaisistes. La calomnie n’était pas son fait : parler était sa raison d’être ; s’il lui arrivait de nuire, c’était sans intention. Elle était comme cela, ni meilleure, ni pire, ni plus sotte que les autres, avec des respects, des croyances, des exagérations, des irrévérences et des vices.

Et elle causait…

Elle causait. Le phare éclairait ces fervents entretiens ; le froid gagnait Herment sans pardessus ; sans y penser, il avait reconduit Barba jusqu’à Nérodynn, insensiblement. Et, en vé-