Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Gall eut d’abord un mouvement d’impatience. Car il était naturalisé Ouessantin, et comme tel, il avait son patriotisme local. Enfin, il regarda le voyageur en face, avec un haussement d’épaules et rageusement :

— Et après tout, c’est vrai... Oui, on a pillé, on s’est saoulé, on a jeté des gendarmes à l’eau, on s’est battu contre la troupe. Que voulez-vous ? On pouvait courir d’un bout à l’autre des grèves en marchant sur les fûts, tant ils étaient nombreux... Le vin était tiré, on l’a bu.

« Et puis, quoi ?

« Moi, je trouve cela superbe et indispensable, ces noces brutales, ces ribotes tragiques après les angoisses et les tourments de la mer. Permis aux moralistes de déplorer — qu’ils y viennent donc, eux, nous offrir des plaisirs délicats et choisis !... Il me plaît que ce peuple de marins se suffise, tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts, sans sentimentalisme, sans bardes montmartrois, sans la sotte poésie déplacée dont les amateurs de bretonneries l’affublent. Et quand des promeneurs en quête de sensations littéraires s’amusent à les dépeindre comme des mystiques, soyez sûr que la naïveté n’est pas du côté des îliens.

« Vous prétendez les empêcher d’attraper