le monde s’était levé. Les îliens, navrés de cette affaire, discutaient en breton. Poliment, ils démontraient au colonial, affalé dans un coin, et qui essuyait sa mâchoire en sang, qu’il aurait gagné beaucoup à rester tranquille. Juliana, soumise, se plaça aux côtés de Soley.
Ils sortirent.
Une fois chez elle, Juliana s’était assise sur le banc, auprès du lit, calmée, lasse, sans dire un mot. Elle avait arraché son bonnet qu’elle avait jeté dans un coin de la pièce, au hasard. Et maintenant, elle attendait l’explosion des reproches. Elle n’eut point lieu. Soley était fâché contre elle, contre tous, contre soi-même surtout. Sotte histoire. Pourquoi s’être aventuré dans ce caboulot ? Pourquoi s’être rincé la bouche de cette vinasse ? Il se taisait. Et Juliana, voyant que, décidément, il ne gronderait pas, se remettait peu à peu à sourire, béate, comme après une douche qui l’aurait apaisée.
Une seule chose aurait pu la troubler. En rentrant, elle avait jeté un coup d’œil dans sa crèche, et profitant du clair de lune, avait compté ses poules.