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Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/233

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conquis. De très loin, dans l’étendue vallonnée, on les apercevait, marchant en rangs serrés, avec leurs fusils brillant dans le ciel, le cliquetis des armes et la rumeur de leur course. Des clairons nasillards troublaient la solennelle beauté du murmure des flots. Louise suivait de l’œil leurs évolutions incompréhensibles qui faisaient sauver, en bandes apeurées, les centaines de moutons.

Un jour, des troupiers porteurs de sacs avaient frappé à sa porte pour acheter des pois et des pommes de terre. Elle non plus, n’avait pas voulu vendre, mais donner — et ils avaient ri, un peu moqueurs, en empochant les vivres.

On disait qu’on allait construire un grand fort et une caserne, entre Lan Pol et Kermonen, sur la route du Stiff, et l’on était content. Déjà des débits s’ouvraient partout. Quelques Ouessantines, dans l’attente du mariage promis, se conduisaient presque maritalement avec leurs fiancés impatients. Beaucoup étaient reçus, logés, hébergés par les familles : ces privilégiés amenaient leurs amis et les « copains » vivaient ainsi sur l’habitant, par petits groupes.

Louise entendait tout cela, très calme. Car elle avait reçu de la nature le don de ne pas s’étonner et cette sincérité foncière, si éloignée