Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/272

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Engel, l’amant de Marie de Loqueltas !... Je m’étonnai de ne pas l’avoir soupçonné plus tôt. Comme le colonial avait bien caché son jeu !

Et je me rappelais ce petit homme un peu gras, presque sale, avec son képi toujours de travers sur sa tête jaune, bilieuse, bouffie et imberbe qui lui donnait assez l’air d’un asiatique... Engel qui rôdait toujours aux portes des débits, avec sa face de mauvais soldat plein de gloire, avec un orgueil seulement, dans ses yeux qui regardaient en face, un orgueil pour sa médaille militaire, ce ruban, splendeur de sa poitrine large et bombée, car, malgré les fièvres et malgré qu’il eût cultivé le cafard de toutes les colonies, il « était encore là », ce brave et fanatique Engel qui n’avait qu’un amour, le Drapeau.

On le rencontrait ivre, très souvent, avec des hommes ou avec des sous-officiers. On le rencontrait dès le matin, et même après l’appel de neuf heures du soir, vaguant par les ruelles du bourg, quand il n’avait pas un sou, uniquement pour ne pas rentrer au fort avant onze heures : en effet, bien qu’il fût « simple bibi », sa médaille lui attribuait ce droit.

Trois fois il avait été sous-officier. Trois fois il avait été cassé. Et, paresseux, fier de l’être,