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Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/281

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loin des yeux, il n’avait plus pensé, ce soldat, ce grand enfant, à cette femme aimante qui l’attendait et que le chagrin minait.


Quelques mois plus tard, au milieu des tempêtes de mars, j’étais revenu à Ouessant. Et une nuit que je me promenais avec quelques amis, on poussa jusqu’aux dernières chaumières de Loqueltas.

— Pour rien au monde, dit tout à coup Félicia Sounic, en me désignant une bâtisse sombre, je ne voudrais habiter cette maison, quand bien même on me la donnerait. Et pour rien au monde, non plus, je ne voudrais franchir son seuil, à cette heure de la nuit, toute seule, ni même avec vous.

— Mais c’est là qu’habite Marie !

— Elle habitait là.

« Marie est morte : on l’a enterrée la semaine passée. Cette pauvre femme a dû bien souffrir. Elle est restée malade pendant cinq jours et personne ne s’en doutait. Elle s’est éteinte sans secours aucun. Et quand ses voisines, étonnées enfin, de ne plus la voir, ont poussé la porte et sont entrées, elles l’ont trouvée, étendue sur son lit, la tête et la figure mangées par les rats. Elle était si affreuse à contempler ainsi