Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/289

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enfantin, quand il les évoquait en des circonstances tout à fait exceptionnelles. Il était faible avec Salomé, plein de concessions pour les choses de la vie courante, comme s’il rassemblait toutes ses forces, toute son énergie, pour le moment où il se déciderait à reprendre son vol. Alors, profitant d’une sortie de sa femme, il faisait lestement son sac de matelot. À son retour, elle le trouvait paré pour le départ.

En sept ans de mariage, il n’avait pas passé six mois avec elle. Et lorsque tant de jours solitaires eurent enfin aigri Salomé, la tristesse de cette existence qui, pourtant, était le sort de tant d’autres îliennes, la révolta. Car elle était restée sage, rigoureusement.

Maintenant, toute intimité avait disparu entre eux. En vain, lorsqu’il revenait au foyer, Ludovic essayait-il de la ramener à lui par la douceur. Salomé le regardait à peine, mauvaise de toute la bile qu’elle avait amassée pendant son absence.

Alors, ils vivaient ensemble, aussi distants que si des milliers de lieues de mer mouvante les avaient séparés. Mais Salomé enrageait, tandis que lui, placide, indifférent aux tempêtes conjugales, reprenait à terre ses habitudes du bord, habitué qu’il était, comme tous les mate-