Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/40

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Elle employait sa malice inconsciente à l’agencement de constructions imaginaires auxquelles sa naïveté donnait, par quelques détails maladroits et inattendus, par ces faits que la logique ignore, que la raison n’invente pas, mais que la vie, précisément, sait nous offrir, un surprenant accent de réalité.

Herment l’appréciait parce qu’elle animait de son récit nocturne les plages désolées. Souvent, elle l’entraînait vers le Corce où l’on disait que, minuit passé, on pouvait écouter les appels des noyés d’autrefois qui erraient sans repos, en quête de prières. Barba souhaitait de les entendre et frissonnait tout à la fois. Elle aurait tutoyé des fantômes et bataillé contre eux.

Peut-être y avait-il dans tout cela un peu d’affectation car ces hantises contrastaient avec ses belles couleurs et son goût des joies précises de la vie.

— Allons, tais-toi, lui conseilla Herment, un soir qu’elle s’était lancée vers de nouveaux cauchemars… Pourquoi ne m’as-tu pas encore répété la vieille balançoire : « qui voit Ouessant voit son sang ? »… Et il ajouta, dans une ironie qu’elle ne comprenait pas, sans doute :

— Quand les baigneurs aux chapeaux plats de paille et les dames oisives qui s’étalent en