Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais le pire, ce furent des coffres entiers, emplis de bibelots bizarres, produits d’une civilisation décadente, manufacturés en Allemagne avec des étiquettes aux couleurs françaises, photographies « curieuses » qu’on voyait au travers de loupes minuscules serties dans des presse-papier, des manches d’ombrelles, des éventails à transparence ornés de dessins à faire rougir des cantinières, et autres objets plus étranges encore, indescriptibles, avec lesquels les fillettes de l’île jouaient très innocemment — dons de la mer perfide…

Soudain, l’horizon s’obscurcit. Le Stiff devint invisible. Le Créac’h, tout à l’heure si fier de son regard d’aigle, parut en proie à un malaise : sa lueur aveuglante ne fut plus guère qu’un clignotement, bientôt plus qu’un souvenir. Une vapeur dense s’était appesantie sur l’île nocturne. En cet instant, un bruit, une épouvantable clameur, un beuglement infiniment lugubre retentit à quelques pas. Barba, qui y était pourtant habituée dès l’enfance, frissonna :

— La « vache à Gibois » !…

On avait donné ce nom à la sirène parce que le gardien-chef du Créac’h s’appelait Gibois.

Alors, la mer qu’on n’apercevait plus désor-