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progrès aux connaissances humaines. Attaché au dépôt des fortifications, il devint surtout l’ami du général du génie Cafarelli-Dufalga, qui en était le chef, et dont l’imagination brûlante, l’instruction vaste, les intentions pures conquirent son estime. Le général était fait pour apprécier Horace Say ; il se l’attacha sans retour, et réunis dans une destinée commune, ils devaient trouver l’un et l’autre la mort en Syrie. L’expédition d’Égypte était résolue : Cafarelli devait commander l’arme du génie, c’est dire que son ami devait être son chef d’état-major ; il fut en effet son bras droit et avant le départ et après l’arrivée. Parti avec le grade de capitaine, le chef d’état-major fut, par le général Bonaparte, promu au grade de chef de bataillon du génie pour s’être couvert de gloire au siège d’Alexandrie. Il prit part ensuite à tous les travaux de cette glorieuse campagne ; membre de l’Institut d’Égypte, il lui fournissait des mémoires scientifiques en même temps qu’il présidait à l’érection d’une forteresse à Satehieh. Lorsqu’une partie de l’armée fut dirigée vers la Syrie, l’élite du corps du génie fut de l’expédition : Horace y suivit Cafarelli. Les dangers, les fatigues que rencontrèrent nos braves soldats sont incalculables. Sous les murs de Saint-Jean d’Acre, Horace Say eut le bras emporté, mais il devait encore éprouver le chagrin de voir mourir son chef et son ami avant de succomber lui-même aux suites de sa blessure.

Cette perte fut un coup cruel pour Jean-Baptiste Say ; il perdait son plus intime ami, le confident de toutes ses pensées, celui avec lequel il s’était plu à former des rêves d’avenir. Les illusions de la jeunesse tombaient ; le positif, les difficultés, les labeurs sérieux de l’âge mûr allaient commencer. Il lui restait un frère plus jeune qu’il avait attiré près de lui, mais qui devait le quitter bientôt pour suivre la carrière commerciale ; Louis Say est devenu raffineur de sucre à Nantes, et c’est après s’être inspiré des ouvrages de son frère qu’il a publié lui-même quelques écrits sur des sujets analogues[1].

La France, fatiguée de l’état anarchique dans lequel la laissait le Directoire, était prête à soutenir tout gouvernement qui voudrait travailler sérieusement à rétablir l’ordre et à donner sécurité aux intérêts en tout genre. Jean-Baptiste Say, quoique étranger aux événements qui avaient conduit Bonaparte au pouvoir, fut au nombre de ceux qui considérèrent l’établissement du gouvernement consulaire comme le commencement d’une ère de grandeur et de prospérité pour le pays. Cette illusion, qui ne tarda pas à se dissiper, était, au reste, celle de beaucoup de philosophes très-éclairés et sincèrement attachés à la liberté.

Dans le mois de novembre 1709 (frimaire an viii), il fut nommé membre

  1. Voir la Correspondance, pag. 512 de ce volume.