Page:Say - Œuvres diverses.djvu/169

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causes sont ou ne sont pas capables d’agir sur leurs développements.

Pour qu’un fait détruise un principe, il faut démontrer d’abord que le fait est vrai ; ensuite qu’il est connu dans toutes ses circonstances, et enfin qu’il prouve le contraire de ce que l’on croyait être la vérité ; mais qui ne voit que tout cet appareil de preuves est plus qu’un fait ; c’est un nouveau principe établi à la place d’un plus ancien qui avait été trop légèrement adopté. Et c’est ainsi que les bonnes méthodes, si elles ne garantissent pas toujours l’homme studieux des erreurs auxquelles nous condamnent les bornes de nos facultés et l’imperfection de nos instruments, nous fournissent du moins des moyens pour les reconnaître et pour les rectifier. La chimie même, depuis que ses investigations sont soumises aux méthodes modernes, offre des exemples de principes fondamentaux qui ont été rectifiés. Il ne faut donc point déclamer contre une science tout entière parce qu’il lui est arrivé de consacrer passagèrement quelques erreurs. Cet esprit d’hostilité ne mène à rien qu’à décourager d’apprendre, à favoriser la paresse et l’ignorance. Il faut au contraire chercher, de concert avec ceux qui cultivent les sciences, à étendre leur domaine, à augmenter la masse de vérités dont elles se composent, à en exclure les erreurs qui auraient pu s’y glisser, et à travailler ainsi à reculer les bornes de l’esprit humain. C’est ce qu’on ose attendre, Messieurs, du bon esprit qui vous amène en ces lieux.

La méthode que je viens de décrire, et qui, dans les temps modernes, a si remarquablement contribué au progrès des sciences, peut s’appeler la méthode expérimentale. C’est elle qui, appliquée à l’Économie politique, l’a placée au rang des sciences expérimentales ; mais je dois vous faire remarquer ce qui caractérise les expériences qui lui servent de base.

Elles demandent beaucoup de temps et ne peuvent presque jamais se répéter à volonté. Lorsqu’un physicien vous dit que les corps tombent avec accélération suivant telle loi, il peut mettre ce fait en expérience sous vos yeux ; vous pouvez le répéter chez vous, si vous êtes curieux d’en étudier les circonstances et de le connaître sous toutes ses faces. Mais quand l’économiste politique vous dira que la division du travail, ou la séparation des occupations entre plusieurs classes de travailleurs, augmente dans de certaines proportions le pouvoir productif de l’industrie, il ne pourra pas faire arriver ici et placer sous vos yeux des ateliers nombreux, les mettre en mouvement, et atten-