Page:Say - Œuvres diverses.djvu/194

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pour ne pas voir ce que cette étude a pour nous d’important, pour méconnaître l’influence qu’elle doit avoir sur le sort de tous et de chacun de nous.

Je ne suis pas fâché de cette occasion de rappeler un passage de Fénelon, que j’ai mis comme épigraphe à la tête de mon Cours complet d’Économie politique pratique, en six volumes.

« Après tout, dit Fénelon, la solidité de l’esprit consiste à vouloir s’instruire exactement de la manière dont se font les choses qui sont le fondement de la vie humaine. Toutes les plus grandes affaires roulent là-dessus. »

Ces paroles ont été, je le sais, inspirées à Fénelon par une vue générale de l’humanité et par un certain bon sens naturel, plutôt que par de saines notions d’économie politique dont on ne connaissait pas les principes de son temps ; mais elles ne contiennent pas moins l’expression d’une grande vérité. Fénelon, dans son Télémaque, avait moins pour objet de faire un traité de législation que de combattre dans l’esprit du jeune prince, que l’on supposait devoir régner un jour, les habitudes fastueuses de Louis XIV, qui finirent en effet par plonger la France dans la misère la plus affreuse.

Pour éviter de tomber dans ces tristes extrémités, il faut se pénétrer des causes qui font le déclin ou la prospérité des États : on est confus de voir que la science qui nous occupe, ne soit pas plus généralement cultivée, et qu’on soit exposé chaque jour à entendre un langage qui suppose l’ignorance de ses premiers éléments, même dans les lieux où se préparent et s’exécutent les mesures qui ont pour but le plus grand bien du pays. Mais il ne faut pas qu’on s’en étonne. Les hommes ne renoncent pas tout de suite à de mauvais principes. On sait que, même au commencement du xviiie siècle, le savant Bernouilli, concourant pour un prix à l’Académie des sciences, fut obligé de respecter les tourbillons de Descartes, autrement son ouvrage n’aurait pas eu le prix.

Un des torts qui peuvent être reprochés à Bonaparte, est d’avoir supprimé dans l’Institut la classe des sciences morales et politiques ; ce qui n’a point, au reste, empêché ce corps illustre d’en consacrer l’importance, lorsqu’il a, en 1830, décerné un prix à l’ouvrage dont je citais tout à l’heure l’épigraphe.

Les gens qui ont à cœur le bien et la prospérité de leur pays sentent enfin la nécessité de favoriser les progrès de l’Économie politique véritable ; de celle qui, dégagée de tout esprit de système, ne se fonde