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l’économie politique l’est pour le corps social. C’est elle qui nous apprend quels sont les organes naturels, les organes voulus par la nature même de l’homme et des choses, dont le mécanisme et le jeu constituent la vie de ces grands corps que nous appelons des Nations.

Déjà vous pouvez présumer la raison qui a permis si tard de nommer l’économie politique une science, et d’en faire l’objet d’un enseignement public. La physiologie du corps humain était-elle une science avant que l’étude eût fait connaître sa composition ? L’anatomie, l’anatomie comparée, ont été les moyens qui ont perfectionné la physiologie du corps humain, qui ont fait connaître la nature et les fonctions de ses parties. L’analyse et l’observation ont rendu le même service à l’économie politique : dans l’une comme dans l’autre, on n’a regardé comme savant que celui qui connaissait la vraie nature des choses ; l’empirisme a dû perdre son crédit, on a voulu être guidé par des observations rigoureuses plutôt que par la routine et les systèmes. Les gouvernements despotiques eux-mêmes n’ont pas voulu rester exposés aux désavantages qui accompagnent l’ignorance, et se priver des flambeaux qui éclairent tous les citoyens ; des chaires d’économie politique ont été établies dans les universités d’Allemagne, d’Angleterre, d’Italie et même d’Espagne. Les princes, destinés à porter des couronnes, ont étudié cette science : et je ne doute pas qu’à mesure que l’on connaîtra mieux les solides bases sur lesquelles repose maintenant cette étude nouvelle, elle ne se propage bien plus rapidement encore.


Je vous ai dit, Messieurs, qu’elle reposait sur l’expérience, c’est-à-dire sur l’observation des faits et sur les conséquences rigoureusement déduites de ces mêmes faits.

À ce sujet je ferai une remarque déjà consignée dans la préface de mon Traité d’Économie politique, même dès les premières éditions[1].

C’est qu’il y a deux sortes de faits dans ceux qui doivent nous servir de guides. Il y a les choses qui existent, et les événements qui arrivent. La nature des choses qui existent fait partie des faits de la première espèce. L’or est plus pesant que le fer : voilà un fait. La quantité d’or, entrée en France cette année, s’élève à tant de kilog. ; voilà un fait d’une autre espèce. C’est un événement arrivé, l’un et l’autre peuvent

  1. Voy. p. 4, édit. Guillaumin.