Page:Say - Œuvres diverses.djvu/223

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De même la discussion de la loi sur la faculté de tester, a fait de nouveau ressortir la nécessité de donner aux Français un Code civil, qui remplace l’immense fatras de lois par lesquelles nous sommes encore régis, et mette chaque citoyen à portée de connaître, par lui-même, la règle de toutes ses relations sociales.

Aujourd’hui l’on vous présente un amendement à la loi sur la taxe d’entretien des routes. Je ne m’en plaindrai pas, puisqu’il porte une diminution dans le tarif de ce droit, et qu’il en exempte tout à fait les grains et farines dont la facile circulation est le plus sûr préservatif contre la disette. Mais sont-ce là toutes les améliorations que trois années d’expérience semblaient devoir indiquer ? Le projet suffit-il pour nous donner l’espérance de voir nos routes beaucoup plus belles, les voyageurs beaucoup moins vexés ? Je ne le pense pas.

Le projet supprime la progression qui était établie sur le nombre des chevaux attelés à chaque charrette ; deux chevaux payaient dans une proportion plus grande qu’un seul ; trois chevaux payaient dans une proportion encore plus forte. Le but de cette progression était de décourager la grande surcharge des charrettes qui contribue tant à la dégradation des routes. Aujourd’hui que des portions considérables de nos chemins sont dégradées, et que le voiturier est forcé d’augmenter le nombre de ses chevaux pour se tirer des mauvais pas, la progression devenait évidemment injuste, puisque la taxe d’entretien des routes devenait plus forte en raison de ce que les routes étaient plus mal entretenues : aussi j’applaudis à cette partie du projet.

Remarquez cependant, Tribuns, qu’il détruit par là une garantie contre la surcharge des voitures, et qu’il ne la remplace par rien.

Chez nos voisins, où l’on ménage beaucoup les chevaux, on s’est gardé, de tout temps, de régler ce qu’une charrette doit porter, par le nombre de chevaux dont elle est attelée ; on a craint, avec raison, que la cupidité des voituriers, se déterminant par des motifs d’un intérêt présent plutôt qu’éloigné, n’excédassent de fatigue ces pauvres animaux au risque de les conserver moins longtemps. En conséquence, en Angleterre, on a sur les grandes routes, près des villes, des espèces de bascules, composées de madriers, établies au niveau du sol, et sur lesquelles on fait passer les plus lourdes voitures. Par une opération fort simple, on sait ensuite leur poids à une livre près ; et si ce poids excède celui qui est autorisé par les réglements, la voiture est