Page:Say - Œuvres diverses.djvu/279

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marqués au coin de l’utilité générale, et notamment une Histoire des Français, où les faits sont enfin puisés à leur source, et qui réduit à leurs justes proportions ces personnages historiques que nos vieux livres ne nous montrent que sous des traits de convention.

Je reviens à mon sujet.

À considérer les sociétés humaines de très-haut, on les voit comme des fourmilières dont les individus s’agitent dans tous les sens pour se procurer les objets de leurs besoins et de leurs désirs. Plus ils se donnent de mouvement, plus ils étendent leurs recherches, et mieux ils se trouvent pourvus des choses qui leur sont nécessaires, ou seulement agréables. Jusque là, on conçoit facilement qu’il peut y avoir de l’inconvénient à borner leur industrie, mais qu’il n’y en a pas à la porter trop loin ; car on ne voit pas ce qu’il y a de fâcheux à posséder trop de choses nécessaires et agréables ; et si la question demeurait aussi simple, M. de Sismondi ne chercherait pas quelles mesures il peut conseiller au gouvernement pour empêcher les gens de produire ; M. Malthus n’admirerait pas la sagesse de la Providence, qui a permis qu’on nommât des bénéficiers oisifs chargés du doux emploi de jouir et de consommer, sans rien faire, les fruits péniblement créés par leurs semblables. Mais, ce qui au premier abord semble justifier les vues de ces estimables publicistes, c’est la manière dont s’opèrent les productions parmi les hommes. Tandis que chaque fourmilière, dans nos bois, travaille à un seul magasin, dans l’intérêt de la république, chaque personne, dans nos fourmilières humaines, ne travaille qu’à une seule sorte de choses utiles qu’elle appelle ses produits, et se procure par l’échange toutes les autres choses dont elle a besoin ; car vendre ce que l’on produit pour acheter ce que l’on veut consommer, c’est échanger les choses que l’on fait contre les choses dont on a besoin.

Dès lors, on conçoit que l’on peut produire, d’une chose en particulier, une quantité supérieure aux besoins ; car, si, dans une société composée de dix mille familles de producteurs, cinq mille s’occupaient à fabriquer des vases de faïence, et cinq mille à fabriquer des chaussures, cette société aurait incontestablement trop de vases et de chaussures, et manquerait de beaucoup d’autres choses non moins favorables à son bien-être. Mais, en même temps, on conçoit que l’inconvénient naîtrait, non pas de trop produire, mais de ne pas produire précisément ce qu’il convient.