Page:Say - Œuvres diverses.djvu/552

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pôts qui accablent l’industrie en Angleterre. Il s’agit donc en France de détruire beaucoup de préjugés qui nous empêchent de bien juger dans les questions qui tiennent à l’industrie ; il s’agit de répandre beaucoup de notions qui sont déjà communes ailleurs, et de rendre nos manufacturiers supérieurs à des ouvriers renforcés. Ce complément est indispensable pour faire de nous une nation vraiment manufacturière.

On vous dira peut-être que les considérations qui sont le sujet de cette lettre, sont plus importantes pour le commerce que pour les manufactures. Mais, en premier lieu, par la raison qu’elles seraient en même temps utiles au commerce et aux manufactures, faut-il en priver ces dernières ? et, en second lieu, est-il possible d’être manufacturier sans être négociant ? Le manufacturier ne doit-il pas acheter des matières souvent très-variées, et vendre ses produits en diverses villes et même en divers pays ? Ne doit-il pas combiner la possibilité et les temps les plus favorables à ses achats et à ses ventes ? Les procédés du commerce, les lois du commerce, la tenue des comptes, l’emploi des lettres de change, l’usage des diverses monnaies, ne sont-ils pas les mêmes pour le négociant et pour le manufacturier ?

L’étude de l’Économie commerciale et manufacturière est encore propre à éclairer les fabricants et le commerce dans leurs rivalités réciproques, aussi bien que dans leurs rapports avec l’administration. Elle est propre à faciliter la tâche de l’administration elle-même, qui balancera plus aisément des intérêts plus éclairés. Dans l’état actuel des choses, des fabricants ont-ils fait une fausse spéculation, ont-ils maladroitement placé une manufacture, ou multiplié des produits qui n’éprouveront point de demandes, ils accusent le gouvernement de ne pas protéger leur industrie par des primes en argent ; ils l’entourent, le sollicitent pour obtenir de lui des lois sans efficacité, ou capables de produire un effet contraire à celui qu’on en attend, parce que c’est contre la nature des choses qu’on a péché.

Stimuler l’esprit d’entreprise sans l’éclairer, c’est nuire à la prospérité publique ; instruire les hommes laborieux des procédés des arts, et provoquer l’emploi de capitaux, sans leur montrer les conditions indispensables pour que ces moyens puissent fructifier entre leurs mains, c’est leur tendre un piège. Les sciences peuvent donner des produits admirables pour prouver jusqu’où va l’intelligence de l’homme ; sans consulter l’économie industrielle, elles ne peuvent rien faire pour son aisance, c’est-à-dire pour son bonheur. Les autres musées peuvent se