Page:Say - Œuvres diverses.djvu/572

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devraient s’y connaître ne pas s’accorder entre eux sur les bases. Il m’est arrivé de rencontrer des hommes qui se disaient instruits, et qui ne faisaient nul cas de la physique de Newton, parce que le Cartésien Fontenette s’était moqué de l’attraction. Quand les savants seront d’accord, dit-on quelquefois, je commencerai à les croire. Les principes de Newton n’ont pas moins triomphé ; mais ce n’est qu’à la fin du xviiie siècle que la gravitation universelle a été enseignée dans nos écoles publiques. Or, ce retard des lumières est encore plus fâcheux dans les sciences morales et politiques, parce que le bonheur de l’humanité y tient de plus près. Que dirais-tu, mon cher ami, si tandis que tu traînes péniblement ta charrue, on venait s’accrocher aux roues pour augmenter tes labeurs et retarder les résultats qui doivent en être le prix ?

Malgré tout, je ne t’en veux point et je t’embrasse très-cordialement.

J.-B. SAY à son frère LOUIS SAY (DE NANTES).
(Inédite.)
Paris, 1827.


J’ai reçu ton dernier ouvrage, et je te remercie de l’envoi. J’y ai trouvé beaucoup de bonnes choses, et toutes sont dictées par l’amour du bien et de l’humanité. Tu as donné souvent d’heureux développements à des passages de mon Traité, où je fais distinguer les profits qui sont dus à une production véritable, de ceux qui ne sont un gain pour un homme qu’aux dépens d’un autre ; et surtout à une considération importante de mon article dans l’Encyclopédie.

Cependant je ne te cacherai pas que je suis fâché de cette nouvelle publication ; je crois que tu aurais recueilli plus d’honneur en l’exerçant sur d’autres sujets. Je suis fâché, par exemple, que tu aies écrit sur la nature et l’usage des monnaies, sans avoir lu les nombreux écrits que les Anglais ont fait paraître dans ces dernières années sur ce sujet, où ils se sont instruits à leurs dépens, notamment, outre les brochures de Ricardo, celles de Th. Tooke, de Parhell et de A. Mushet. Tu aurais pu y suppléer en lisant les chapitres xxiii et xxvi, liv. I, de la cinquième édition de mon Traité. Tu aurais vu en même temps combien je suis empressé de me corriger du moment que la vérité brille à mes yeux ; mais il ne suffit pas de lire en courant, et ensuite de rouler sur ses propres idées. Il faut étudier profondément les bons auteurs, se pénétrer