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aut que M. Thiers regrettait de ne régime de la Constitution de l’an VIII de ce défaut que M. Thiers regrettait de ne pas trouver en M. Magne et qu’il appelait une certaine férocité. « Il ne faut pas moins que cela, disait-il, pour défendre le Trésor qui, étant le bien de tout le monde, n’est le bien de personne ».

Le courage ne lui est pas moins indispensable. Il faut qu’il sache dire des « choses fortes » à un Louis XIV, lui faire des observations sur les dissipations de son écurie, de son jeu, de ses meubles et lui représenter « combien de dépenses inutiles il a faites » (Colbert, Mémoire du 22 juillet 1666). Il faut qu’il sache armer un Louis XVI contre sa bonté de sa bonté même (Turgot, Lettre du 24 août 1774). Il ne doit craindre ni la disgrâce du prince, ni le vote hostile des Chambres, ni les clameurs de la rue. Les grands ministres ont été souvent victimes de l’injustice la postérité s’est chargée du soin de venger leur mémoire.

Enfin, à toutes ces vertus, il faut qu’il joigne, avec un esprit éclairé et un jugement droit, la notion exacte des vrais intérêts de la nation. Le financier doit être chez lui doublé d’un politique ; et parfois le premier doit céder le pas au second. N’est-ce pas le plus économe de nos ministres qui a établi cette belle maxime « qu’il faut épargner cinq sols aux choses non nécessaires et jeter les millions, quand il est question de la gloire du roi ? » «Je déclare, enmon particulier, ajoutait Colbert, qu’un repas inutile de mille écus me fait une peine incroyable ; et lorsqu’il est question de millions d’or pour la Pologne, je vendrais tout mon bien, j’engagerais ma femme et mes enfants et j’irais à pied toute ma vie pour y fournir, s’il était nécessaire. Votre Majesté excusera, s’il lui plaît, ce petit transport ». Si le ministre des finances doit connaître les besoins de l’État, il n’est pas moins nécessaire qu’il se fasse une idée exacte de ses ressources. La science économique doit l’éclairer et le guider dans sa marche. Il lui faut, suivant l’expression de Mollien, « apprécier la multitude de points de contact par lesquels les finances publiques atteignent chaque famille ; ce qui leur fait trouver des juges dans chaque foyer ». IX. LE PARLEMENT ET LE BUDGET.

. Droits des Chambres.-Examen préalable par le Conseil d’État en France, par le Conseil fédéral en Allemagne. L’initiative parlementaire en France et à l’étranger. Droits des Chambres hautes électives et non électives conflits budgétaires moyens adoptés pour les résoudre.

Le budget, une fois établi par le gouvernement, subit parfois un examen préparatoire avant d’être présenté aux Chambres. Sous le régime de la Constitution de l’an VIII, il ne parvenait au Corps législatif qu’après avoir été soumis au Conseil d’État et au Tribunat et sa discussion, comme celle de toutes les lois, était soutenue, devant une chambre silencieuse, par les orateurs de ces deux assemblées. La Constitution de 1852 rétablit l’examen préalable du Conseil d’État, supprimé sous les monarchies parlementaires de 1815 et de 1830. Mais cette délibération intermédiaire qui pouvait avoir sa raison d’être à une époque où les pouvoirs du Corps législatif étaient étroitement limités, devenait une formalité inutile et même gênante le jour où la Chambre rentrait dans la plénitude des prérogatives parlementaires. Elle n’a pas survécu à la Constitution qui l’avait prescrite. De nos jours, le budget de l’empire d’Allemagne passe, avant d’arriver au Reichstag, par l’examen du Conseil fédéral qui joue, dans l’organisme de l’empire, le double rôle d’une Chambre haute et d’un Conseil d’État. Dans les pays où le pouvoir législatif est partagé entre deux Chambres, il est de règle que le budget soit d’abord examiné et voté par celle des assemblées qui représente le plus directement la nation, qu’elle se nomme Chambre des communes comme en Angleterre, Conseil national comme en Suisse, Chambre des députés ou Chambre des représentants comme dans la plupart des autres États. Ce principe a été consacré chez nous, en dernier lieu, par la loi constitutionnelle du 24 février 1875, dont l’article 8 est ainsi conçu « Le Sénat a concurremment avec la Chambre des députés l’initiative et la confection des lois. Toutefois les lois de finances doivent être en premier lieu présentées à la Chambre des députés et votées par elle ». On a vu que les règles admises en ce qui concerne la spécialité des crédits fixaient une sorte de limite aux droits des Chambres. Ces droits sont plus ou moins étendus, suivant que la spécialité des votes s’applique à des divisions plus ou moins restreintes. En outre, la constitution, la loi, l’usage et le règlement des chambres ne laissent pas partout la même latitude à l’initiative parlementaire en matière de finances. En Angleterre, la Chambre des Communes a les pouvoirs les plus étendus pour supprimer ou réduire les crédits demandés par le gouvernement mais il lui est interdit de voter un crédit qui n’aurait pas été demandé ou d’augmenter un crédit demandé au delà des limites proposées par le gouvernement. Cette règle a longtemps admis une exception, en faveur des dépenses de la milice non enrégimentée. Les crédits relatifs à cet objet étaient déterminés dans un comité spécial de