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la Chambre des Communes. Mais, le 9 février 1863, la Chambre a reconnu que ce système « confondait les responsabilités dans la préparation du budget » et décidé qu’à l’avenir le budget des dépenses de la milice, comme celui de tous les autres services, serait préparé par les ministres de la Couronne, sous leur responsabilité. Le 20 mars 1866, cette décision était confirmée par un nouvel ordre du jour ainsi conçu « La Chambre n’admettra aucune proposition tendant à l’obtention d’un crédit quelconque pour les services publics et ne donnera suite à aucune motion impliquant une dépense à imputer sur les revenus de l’État, soit sur les fonds constitués en dotation, soit sur les fonds préparés par le Parlement, en dehors des demandes formulées par la Couronne ». Enfin, le 27 mars 1886, un membre des Communes ayant proposé une augmentation du crédit affecté à l’entretien des volontaires, cette proposition fut combattue de la manière la plus énergique par M. Gladstone. « Le rôle constitutionnel de la Chambre, dit-il, n’est pas d’augmenter les dépenses, mais de les réduire… J’entends des protestations sur les bancs où siègent les membres du parti qui se donne à lui-même le nom de constitutionnel. Je parle cependant le langage de l’histoire, le langage de la loi, le langage auquel les tories d’il y a cinquante ans auraient applaudi les premiers et qui aurait trouvé des échos parmi eux. Rien n’est aussi facile que de se départir des bons principes financiers ; on est à peu près certain que leur violation n’aura au début et pour un temps que des inconvénients assez légers. Il est dans la nature des difficultés financières de ne se révéler qu’au moment où le mal est incurable et la situation désespérée ; c’est pour cela que le gouvernement doit être le gardien de ces principes, et surtout, – car c’est le plus important, le plus sacré de tous – de celui qui réserve aux délibérations de l’exécutif l’appréciation des mesures financières dont la Chambre doit être saisie. Sans doute, on peut dire qu’il est du devoir des ministres de déférer avec empressement et respect aux désirs de la Chambre en matière budgétaire. Je ne me refuse pas assurément à engager un débat financier et à écouter les opinions exprimées par de hautes autorités ; cependant je dois faire remarquer que ce droit laissé à chacun de dire son avis a eu, depuis vingt ans, pour résultat d’imposer au pays d’énormes sacrifices. On essaye aujourd’hui par des motions populaires de faire passer à cette Chambre le droit de régler les dépenses en laissant peser sur le gouvernement la responsabilité des impôts ; la confusion des pouvoirs de l’exécutif et du législatif est surtout funeste en matière financière. Rien ne serait plus dangereux que l’attribution à des autorités différentes du soin de déterminer les dépenses et de celui de découvrir et de proposer les moyens d’y pourvoir ».

Ces sages paroles doivent être sérieusement méditées. La suppression de l’initiative parlementaire en matière d’ouverture ou d’augmentation de crédits n’enlève pas aux Chambres la faculté d’inviter le gouvernement, par une motion particulière, à créer un service nouveau ou à proposer un crédit plus important pour un service qui ne paraît pas suffisamment doté. Mais elle a l’incontestable avantage de préserver l’équilibre du budget contre les surprises de la discussion et du vote. Dans les pays comme le nôtre, où les propositions individuelles peuvent se produire en toute liberté, à toute époque de la délibération, il n’est pas rare de voir surgir au cours même de la discussion publique des amendements qui sont adoptés par la Chambre sans avoir été préalablement examinés par le gouvernement et par la commission, et qui ont pour résultat d’accroître notablement les charges publiques. Il est d’ailleurs certains pays où l’initiative parlementaire, sans être aussi rigoureusement limitée qu’en Angleterre, est subordonnée à des conditions qui ont pour effet d’en restreindre l’usage. En Allemagne, les propositions financières ou autres ne viennent en délibération que si elles sont appuyées par un groupe d’au moins quinze députés. En Suède, l’initiative ne peut s’exercer, en matière financière, que pendant les dix premiers jours de la session et les propositions ne sont discutées par la Chambre que si elles sont appuyées par la commission du budget, laquelle est commune aux deux Assemblées.

L’initiative laissée à la Chambre des représentants trouve en partie son correctif dans l’étendue des droits reconnus à la Chambre haute. Les deux idées sont si étroitement liées que lorsque M. Gambetta proposa, dans son projet de révision de 1881, de réduire les attributions financières du Sénat il eut un moment la pensée d’apporter, en même temps, des restrictions au droit d’initiative de la Chambre.

Les attributions des Chambres hautes en matière budgétaire dépendent, dans une certaine mesure, du système de recrutement qui leur est appliqué. On a observé avec raison que, quand elles sont nommées par le pouvoir exécutif ou quand elles désignent elles-mêmes leurs nouveaux membres, elles ne sont qu’une aristocratie destinée à modérer l’allure du gouvernement ou qu’un conseil de gouver-