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BANQIJE 149 BANQUE

libre de refuser le billet de banque, que ce on n’équivaut pas à une fabrication billet libère celui le billet donné en payement de monnaie.

. L’émission n’équivaut pas à une fabrication de monnaie.

Une autre thèse, soutenue encore par Wolowski et par d’autres, consiste à assimiler l’émission des billets de banque à la fabrication de la monnaie. « L’État seul, a-t-on dit, a le droit de fabriquer ou de faire fabriquer de la monnaie ; les billets de banque tiennent lieu de monnaie ; donc, l’État seul est en droit d’en émettre lui-même ou par délégation. » L’origine de la monnaie métallique n’est pas racontée de cette facon dans l’histoire. Auparavant l’or et l’argent s’employaient en lingots dans les échanges pour s’épargner la peine de peser et d’essayer les lingots, on imagina d’en déterminer la valeur en les marquant d’une empreinte particulière. Or, cette opération fut confiée aux chefs d’États parce qu’ils étaient à même mieux que personne de l’accomplir, parce qu’ils inspiraient plus de confiance que tels ou tels particuliers et parce que la marque devait être plus généralement connue. Ce fut une fonction dont on les chargea, et non un droit inhérent à la souveraineté, un expédient et non un dogme.

Au surplus, lors même qu’il serait vrai que la monnaie métallique se soit fabriquée et se fabrique en vertu d’un droit régalien, s’ensuivrait-il nécessairement que ce droit dût

s’étendre à l’émission des billets au porteur ? Victor Bonnet a soutenu l’affirmative. « Si le billet au porteur, a-t-il dit dans son livre du Crédit et des finances, n’est pas la monnaie même, si chacun est libre de le refuser lorsqu’il n’a pas cours forcé, en fait il circule comme la monnaie ; il libère celui qui l’a donné en payement quand on a bien voulu l’accepter, et il remplit si bien l’office de la monnaie que c’est pour l’économiser qu’on cherche à le répandre dans la circulation. Or, peut-on donner à tout le monde le droit de faire sous forme de papier ce que l’État seul peut faire sous forme de métal 1 ? » Victor Bonnet a signalé lui-même une différence essentielle, en disant que chacun est ques d’émission et à leurs excès il distingne les émissions de papier-monnaie qui sont une cause et les émissions de billets de banque qui sont un effet des crises. C’est parce que les États émettent du papier-monnaie en excès que les crises se produisent ; c’est parce que les banques commettent des excès d’affaires qu’elles augmentent leurs émissions. Les crises causées par les excès de spéculation ont les mêmes caractères et les mêmes effets, que ces excès de spéculation aient leur origine dans les affaires des banques qui ont la faculté d’émission, ou dans les affaires des banques qni n’ont pas cette faculté. Mais ce qu’on doit ajouter, c’est que la faculté d’émission est une tentation aux excès de spéculation, tentation de même nature d’ailleurs que celle qui résulte de l’excès de capitaux réels mis à la disposition des affaires. i. Page 43.

libre de refuser le billet de banque, que ce billet libère celui qui l’a donné en payement « quand on a bien voulu l’accepter ». C’est à cette condition qu’il fait office de monnaie, tandis que la monnaie revêtue de l’empreinte officielle d’un État ne peut jamais se refuser dans le territoire de cet Etat. On n’est donc pas fondé à soutenir que le billet au porteur circule absolument comme la monnaie ; mais il existe entre eux une différence plus profonde. La monnaie est non seulement un signe représentatif des valeurs, mais encore le gage de la valeur qu’elle représente par la substance qui la constitue. Elle a sa valeur propre et intrinsèque, et ce n’est qu’à raison de cette valeur qu’elle est reçue dans les échanges. Qu’on diminue son poids ou son titre, elle perdra dans la circulation, comme moyen d’échange, ce qu’elle aura perdu comme marchandise. Le billet au porteur et à vue n’a pas de valeur propre et intrinsèque, ce n’est pas autre chose qu’un morceau de papier, circulant en vertu du crédit des établissements qui l’ont émis et qui sont obligés de payer à présentation la quantité de métal précieux qui s’y trouve énoncée. C’est un titre de créance qu’une banque délivre et qu’elle doit acquitter plus tard ; ce n’est pas une valeur actuelle, mais un engagement à terme, une promesse.

Le payement en monnaie éteint l’obligation à laquelle il se rapporte ; le payement en un billet de banque libère le débiteur, mais en substituant la banque en son lieu et place ; l’obligation ne s’éteint que lorsque le billet rentre à la banque.

L’émission des billets au porteur n’est pas plus un droit régalien que le billet au porteur n’est une monnaie 1.

. L’émission ne crée pas de capital. Il a été allégué, contre la pluralité des banques d’émission, qu’elles créent un capital fictif, et la création d’un capital fictif est chose trop grosse de conséquences pour qu’on l’abandonne aux lois générales qui président

aux transactions du commerce. Cette assertion provient de ce que ceux qui l’ont faite n’ont pas aperçu au juste en quoi consiste l’émission. Il n’appartient point à des banques, et il n’est point en leur pouvoir de créer du capital. Le seul moyen qui existe d’augmenter le capital de la société, c’est le travail. « Le crédit, a dit Horn, n’active et ne féconde qu’en transformant et en transférant. Il fait ou fabrique des capitaux, mais avec 1. Batbie, Cours d’économie politique, t. I, p. 418.