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ISME 8 ACCAPAREMENT

au grand propriétaire beaucoup d’ennuis, ce qui le pousse à s’en décharger sur des tierces personnes. La sous-location entraîne alors des baux à très courts termes, ou pouvant même être révoqués à volonté. En Irlande, il y avait ainsi quelquefois trois et jusqu’à quatre intermédiaires entre le paysan et le propriétaire.

Au point de vue purement agricole, l’absentéisme a des conséquences funestes. Les systèmes de culture qu’il oblige l’exploitant à adopter sont forcément épuisants ; les améliorations agricoles deviennent difficiles et rares ; l’entretien de la fertilité normale devient même souvent impossible et l’appauvrissement s’ensuit. La fortune privée et publique est atteinte dans son développement la misère décime les populations. A un point de vue plus général, ce régime est funeste sous un double rapport. Le propriétaire qui ne vit pas sur son domaine ne s’y intéresse pas il le considère comme un capital fixe duquel il doit toucher les intérêts le plus régulièrement possible, et ne s’occupe en aucune façon de ces mille améliorations de détail qui augmentent insensiblement la valeur du sol et lesproduits qu’il peut donner. De plus, l’intermédiaire chargé de veiller à la régularité du payement des fermages, dont il est souvent responsable lui-même, est un agent d’exécution presque impersonnel, toujours rigoureux, toujours exigeant, ne tenant compte d’aucune situation exceptionnelle, ne gardant aucun ménagement. Son intervention ne peut qu’aigrir les conflits. Les populations qui travaillent et vivent aux champs, livrées à elles-mêmes, voient, avec raison, dans tous ces agents d’affaires des exploiteurs et dans ces propriétaires des jouisseurs qui s’enrichissent de leurs efforts. De là un antagonisme de classe qui ne fait que s’accentuer à mesure que l’instruction se développe. Tout au contraire, si le propriétaire vit sur ses domaines, en contact journalier avec ses métayers et ses ouvriers, leur donnant l’exemple du travail, s’occupant de leurs intérêts, connaissant leurs peines et leurs besoins, il arrive rapidement à s’intéresser à eux, à les conseiller souvent, àles aider parfois, en tout cas à mettre dans ses relations avec eux cet esprit de tolérance qui s’impose dans les rapports sociaux en présence d’une situation difficile. Alors l’antagonisme disparaît et les intérêts moraux, aussi bien que les intérêts pécuniaires, sont sauvegardés.

Ce qui a fait la prospérité de l’agriculture en Angleterre, c’est précisément l’existence d’une classe de propriétaires vivant sur leurs domaines et en surveillant plus ou moins directement l’exploitation. Ce qui pourrait

aider le plus à développer l’essor de notre agriculture, ce serait la fixation aux champs d’une classe de propriétaires instruits et possédant le goût des choses rurales.

En dehors de ces réformes qui intéressent autant les mœurs et les habitudes sociales que l’organisation économique, les remèdes à l’absentéisme ne peuvent être demandés qu’à la législation et, par les exemples cités ici même, on peut voir que beaucoup de lois ont déjà été votées dans le seul but de ramener les propriétaires du sol sur leurs domaines. C’est à notre époque une évolution nécessaire dans l’industrieagricole (V. TENURE).

FRANÇOIS BERNARD.

Bibliographie.

G. RoscHER, Traité d’économie politigue rurale, traduction de Charles Vogel. Paris, Guillaumin, 1888. François BERNARD, La crise agraire italienne. (Journal des Économistes, novembre et décembre 1885.) Renseignements spéciaux pour l’Italie empruntés à la publication Atti della Giunta perla inchiesta agraria e sulle condizioni della classe agricola. Rome, 1884-85. Pour les Etats-Unis, les renseignements sont empruntés à de nombreux Rapports officiels ou documents parlementaires. R. MEYER et G. ARDANT, Le mouvement agraire. Paris 1889. A consulter pour les Balkans et surtout la Roumanie.

ACCAPAREMENT.

SOMMAIRE

1. Définition.

2. Origine.

3. Diverses espèces d’accaparement.

4. Prétendue utilité de l’accaparement. 5. Législation en France et à l’étranger. Bibliographie.

1. Définition.

On désigne sous le nom d’accaparement (V. COALITION, TRUST) l’opération qui Il pour objet de se rendre maitre de quantités plus ou moins considérables de marchandises, sinon de la totalité.

On opère le vide sur le marché tout entier ou sur un marché limité ; on force les consommateurs à subir les conditions des détenteurs on détermine artificiellement les prix. Pour y arriver, les producteurs ou les spéculateurs s’entendent.et se coalisent, les producteurs prennent l’engagement de limiter leur production, de ne vendre qu’à un prix donné. En un mot, des deux côtés on annule la concurrence, on fait obstacle au libre jeu de la loi de l’offre et de la demande, on créecertaines conditions spéciales d’approvisionnement, on profite des circonstances nées de la législation (protection douanière par exemple), on exploite les besoins des consommateurs et on leur impose des prix d’achat différents de ceux qui résulteraient d’une


ACCAPAREMENT