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Il disait encore « que le système qui ferait du cadastre un document sérieux et authentique, établissant le droit de propriété, serait préférable à tous les points de vue, mais que la question demanderait une longue étude, environ 500 millions et peut-être cinquante ans pour arriver à une solution complète ».

« Que le renouvellement proposé par le gouvernement coûterait 250 millions, ne présenterait pas les avantages d’un cadastre terrier, ne vaudrait pas mieux que le premier cadastre et demanderait quarante ans. »

Le système qu’il proposait consistait à ne considérer le cadastre qu’au point de vue de la répartition de l’impôt foncier et de la tenue à jour des bases de cet impôt. On se bornerait à réviser les anciens documents, en tirant parti de ceux qui étaient utilisables et en renouvelant ceux qui étaient hors d’usage.

Pour lui, il faudrait seulement quatre ou cinq ans et 60 millions ; et cela donnerait satisfaction aux communes et aux propriétaires. Il adoptait l’impôt de quotité, applicable à raison de tant par mille sur la valeur vénale, toujours facile à établir, plutôt que la méthode compliquée des évaluations de culture, de types, classes, tarifs, etc.

Dans la session extraordinaire de 1880, M. Papon, député, déposa à son tour un projet de loi. D’après l’analyse de l’exposé des motifs, le cadastre actuel ne peut servir à l’application de l’impôt, les plans parcellaires ne peuvent plus être appliqués sur le terrain, tant la propriété a varié et s’est divisée. La péréquation de l’impôt foncier est donc impossible.

Il demande un cadastre nouveau qui soit une œuvre d’État, à accomplir en dix ans, et destiné à établir un instrument de perception d’impôt aussi parfait que possible. La dépense à la charge du Trésor serait de 250 à 300 millions. Il en serait rémunéré par la facilité, l’exactitude dans la perception et par la plus-value de l’impôt. L’abornement des parcelles resterait à la charge de la propriété privée.

L’impôt serait de quotité, c’est-à-dire un tant pour cent du revenu fixé chaque année par la loi de finances. Le cadastre refait (en dix ans) devrait contenir l’évaluation en capital et en revenu de chaque parcelle ; ce serait la base de la perception de l’impôt.

Le bornage deviendrait obligatoire à la charge des propriétaires. Comme il s’agit d’un intérêt général, chaque voisin ayant le droit de contraindre au bornage dans son intérêt particulier, la loi ne pourrait-elle s’attribuer ce droit dans l’intérêt de tous ?

Le cadastre serait distinct pour les propriétés bâties ou non. Les plans seraient établis dans des conditions d’invariabilité[1] ; les sommets angulaires des parcelles seraient déterminés par leurs coordonnées rectangulaires, rapportés aux axes de la triangulation cantonale, triangulation qui devrait se rattacher à celle de l’état-major. Elle déterminerait des repères dont les distances n’excéderaient pas un kilomètre. Le cadastre donnerait, en outre, les cotes d’altitude et les indications géodésiques.

Les registres se composeraient de livres parcellaires pour les deux genres de propriétés et d’un livre personnel. Il y aurait un bulletin cadastral qui contiendrait la description, la configuration de la parcelle et copie exacte des notices inscrites au livre parcellaire et au livre personnel. Ce bulletin deviendrait le titre de propriété.

Il servirait à la transmission, à la location, en même temps qu’à la constitution des hypothèques et à leur purge. Avec lui le crédit agricole deviendrait facile en apportant au prêteur tous les renseignements qui peuvent servir de base à des opérations de crédit.

Le cadastre devrait constater enfin tous les changements de la propriété.

Dans la séance du 23 juin 1881, M. Peulevey, député, lut son Rapport au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi concernant le renouvellement des opérations cadastrales. En voici le résumé : Malgré le prétendu principe de l’immutabilité de l’impôt foncier, les nombreux changements qui s’opèrent incessamment dans la nature des cultures, dans les produits du sol, dans les moyens d’exploitation et dans la valeur locative des diverses espèces de biens-fonds ont amené le législateur à diverses reprises à modifier la fixité des contingents fonciers.

En 1850, l’inégalité était flagrante ; à cette époque 1,848 communes ne payaient que 3 à 4 centimes le franc de revenu ; 8,813 de 6 à 7 ; 6,606 de 7 à 8 ; 3,298 de 8 à 9 ; et il y en avait qui payaient de 12 à 15 centimes et au delà.

Dans la loi de finances du 5 août 1874, on imposa l’obligation au gouvernement de présenter, dans la loi de 1876, un projet de nouvelle répartition. Cette disposition fut reproduite dans l’article 4 de la loi du 3 août 1875. Le 23 mars 1876, le gouvernement déposa deux projets de loi, le premier pour procéder à de nouvelles évaluations du revenu des biens-fonds, le second pour préparer les bases du renouvellement du cadastre, en

  1. C’est le projet Sanguet (cité plus loin, p. 286), moins complet (38 art. au lieu de 175).