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12 ACCAPAREMENT

protection détruit les effets de la concurrence. Dans un pays où prévaut la liberté commerciale, les coalitions sont donc moins dangereuses qu’ailleurs, parce qu’elles sont plus difficiles à organiser et que leur existence est plus précaire.

Le gouvernement et l’opinion publique n’ont qu’à laisser faire ; les bénéfices considérables des syndicats attirent de nouveaux capitaux pour faire concurrence aux syndicats existants en stimulant l’importation au profit des consommateurs.

5. Législation en France et à l’étranger. En Allemagne, le gouvernement est favorable aux coalitions de producteurs. La Prusse leur donne des commandes de rails à l’exclusion de l’étranger, même lorsque les prix étrangers sont plus bas ; elle affilie les usines de la couronne à des syndicats. La politique allemande est autoritaire ; les sosialistes d’État accueillent les producteurs qui se coalisent comme des alliés ils se figurent que les coalitions sont un remède contre le chômage et qu’en régularisant la production, elles la maintiennent à un niveau constant, ce qui permet d’entretenir une population ouvrière normale dont le nombre n’est pas soumis à des variations cruelles.

En France, l’article 419 du Code pénal est toujours en vigueur.

« Tous ceux qui, par des faits faux ou calomnieux semés à dessein dans le public, par des sous-offres faites au prix que demandaient les vendeurs eux-mêmes, par réunion ou coalition entre les principaux détenteurs d’une même marchandise ou denrée, tendant à ne pas la vendre ou à ne la vendre qu’un certain prix, ou qui par des voies ou moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises ou des papiers et effets publics, au-dessus ou au-dessous des prix qu’aurait déterminés la concurrence naturelle et libre du commerce, seront punis d’un emprisonnement d’un an au moins et d’une amende de 500 à 10,000 francs ».

L’article 420 porte la peine d’emprisonnement à deux mois au moins et deux ans au plus et l’amende à 1000 francs au moins et 20,000 francs au plus, si ces manœuvres ont été pratiquées sur grains, grenailles, farines, substances farineuses, pain, vin, ou toute autre boisson.

Dans l’ancienne législation française, on punissait du bannissement et de la confiscation « la convention secrète faite entre marchands de ne vendre leurs marchandises que dans un certain temps et à un prix déter- miné ». Cette mesure avait pour but de pro-

téger le monopole officiel des corporations. On ne peut créer librement des coalitions

industrielles en France que depuis la loi du 21 mars 1884, qui a abrogé la loi des 14-27 juin 1791 et l’article 416 du Code pénal, qui a établi que les articles 291, 294 du Code pénal et la loi du 18 avril 1834 ne sont pas applicables aux syndicats professionnels. Mais si les lois de 1864 et de 1884 ont heureusement modifié la situation des coalitions qui ont pour but de produire la hausse ou la baisse des salaires, elles n’ont pas modifié la situation de celles qui tendent à produire la hausse ou la baisse du prix des marchandises puisque, comme celles-ci, elles ont laisse subsister dans son entier l’article 419 du Code pénal de 1810.

En Angleterre, la liberté des coalitions

commerciales, déjà proclamée par un Acte de 1772, a été formellement reconnue par la loi du 4 juillet 1844, qui abolit totalement les délits d’accaparement et de monopole.

En Belgique, on a remplacé les articles 419

et 420 par l’article 311 du Code pénal belge, en 1866 « Les personnes qui, par des moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises ou papiers et effets publics, seront punies d’un emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 300 à 10,000 francs.

« L’abrogation partielle de l’art. 419 du

Code pénal, a dit le rapporteur de la loi à la Chambre belge, aura l’avantage de ne pas permettre que le commerce soit inquiété elle contiendra en outre cet utile enseignement que la loi divorce avec des préjugés qui n’ont que trop souvent conduit à des actes coupables. La libre concurrence détruit plus facilement les hausses factices que toutes les dispositions des lois ».

La législation française est un reste des

préjugés de l’ancien régime, car elle suppose qu’un tribunal peut déterminer quel estle prix d’un produit résultant de la loi de l’offre et de la demande. Le Code pénal français est. absurde au point de vue économique ; il est en même temps impuissant, lesrares exemples de l’application de l’art. 419 suffisentàleprouver. Aux États-Unis, où les abus sont le plus

criants, on cherche également le remède dans une législation répressive, alors qu’il serait facile de prévenir les abus en supprimant la cause même du mal, qui est la protection. douanière.

Un abaissement de tarifs serait plus effi-

cace que toutes les lois pénales.

Il est inutile de demander qu’on établisse de

nouvelles sanctions pénales, qu’on en appelle à l’État pour réprimer les abus dont on souf-


ACQUIT-