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LOIS) 28 AGRAIRES (LOIS)

Douze ans plus tard, Caïus Gracchus reprit et compléta les projets de son frère. Il fit arriver les chevaliers aux fonctions judieiaires qui, jusqu’alors réservées aux seuls patriciens, avaient été le grand instrument des usurpations il fonda au loin des colonies agraires. Mais bientôt son pouvoir succomba devant l’hostilité des patriciens ; il périt violemment avec 3 000 de ses partisans qu’il avait convoqués au Forum.

Dans l’ardeur de la lutte contre Caïus Gracchus, lespatriciens avaient imaginé de lui opposer un collègue qui, à toute proposition favorable au peuple, répondait par une proposition plus favorable encore, en apparence du moins. De là, de temps en temps, des distributions gratuites de blé. Habitués à l’oisiveté, les citoyens pauvres aimaient mieux recevoir du blé que cultiver la terre. Il fut donc facile aux patriciens d’obtenir la suppression des lois agraires, en échange de distributions régulières.

Vint ensuite une période de violences, dans laquelle Marius et Sylla, représentant, l’un le parti populaire, l’autre le parti des patriciens, proscrivirent tour à tour les riches du parti contraire et distribuèrent à leurs soldats les terres des bannis.

En l’an 50, César proposa et fit adopter une loi agraire, en vertu de laquelle les terres du domaine devaient être distribuées aux pauvres. Il profita de ce succès pour se faire nommer consul à vie. Les triumvirs qui lui succédèrent proscrivirent 300 sénateurs et 2000 chevaliers dont ils vendirent les biens aux enchères, comme Sylla avait vendu ceux .des riches du parti populaire. Ils distribuèrent à leurs soldats le territoire de douze villes d’Italie. Plus tard, sous l’empire, la pro-vince d’Afrique ayant été accaparée par six propriétaires, Néron les fit périr et confisqua leurs biens sans autre forme de procès. III. AGRARIAN LAWS et CROFTERS’ BILL. Les Irish agrarian laws (lois agraires irlandaises) de 1870 et 1881 et le crofters’bill (loi des petits cultivateurs écossais) de 1886 sont dus à l’initiative de M. Gladstone. Le but de ces lois était de changer une situation devenue intenable pour l’Irlande, pour l’Écosse et même pour l’Angleterre, do satisfaire à des revendications qui n’avaient jamais cessé et qui en s’exaspérant provoquaient de perpétuels conflits. L’ancien système qui avait été commun jadis aux deux grandes îles britanniques etqui y avait été apporté parlesAryens était celui de la possession des terres par la tribu. Dans l’Angleterre, les Angles y substituèrent le régime féodal, que plus tard les Normands consolidèrent. Ce même régime fut

ensuite imposé par l’Angleterre à l’Irlande et à l’Écosse qui, tout en laissant s’affaiblir le principe des clans, en avaient au moins conservé les formes. Ces deux derniers pays subirent le régime féodal, mais ne l’acceptèrent jamais, le souvenir plus ou moins vague de l’ancien état de choses ayant laissé chez les habitants la conviction héréditaire de leur droit à l’usage du sol.

Il nous paraît opportun de commencer par expliquer les principes essentiels de ces anciennes lois si vivaces ; nous verrons ensuite ce que fut le régime antagoniste enfin, nous essayerons de les montrer aux prises en Irlande, puis en Écosse et, pour chacun de ces deux pays, nous indiquerons ce qui a été fait en vue de mettre fin aux commotions sociales causées par ces luttes séculaires.

1. Anciennes coutumes locales des deux grandes Iles britanniques. Code des brehons.

Ces lois et ces coutumes nous ont été indiquées par Jules César et par Tacite elles ne nous ont été à peu prés complètement révélées que par le code des brehons, qui date du VIe siècle. Ce code est un recueil des anciennes lois et coutumes de l’Irlande, ainsi que des jugements rendus par les brehons ou j uges. Ces matériaux ont été coordonnés par un cénacle composé de trois rois, trois archevêques et trois sages, puis ils ont été revisés et amendés par saint Patrick, lequel en a éliminé tout ce qui était contraire à la religion catholique. Le code des brehons a été publié à Dublin, en 1881, parles soins d’une commission royale. A ces sources il faut ajouter deux ouvrages essentiels Ancient Laws and Institutes of England (Anciennes lois et institutions de l’Angleterre), recueil publié en 1840, et Laws of the Picks and Scots (Lois des Picks et des Scots). Ces documents nous apprennent que les races du Nord étaient distribuées en tribus ou classes, parmi lesquelles existait une hiérarchie sociale comprenant des rois, des nobles, des hommes libres et des esclaves. Chacune de ces classes à son tour était subdivisée en plusieurs degrés, selon la richesse et la position sociale des individus qui la composaient. Tout le pays occupé par une tribu ou par un clan appartenait complètement, uniquement, à cette tribu et à ses membres. Les terres labourables étaient réparties annuellement entre les hommes libres chacun recevait une part proportionnelle à ses bestiaux. Quant aux terres de pâturage, il était permis à tous, nobles ou non, d’y faire paître les bestiaux qu’ils possédaient ; une rémunération était du reste accordée aux hommes libres qui cultivaient les terres et soignaient le bétail des nobles.


AGRAIRES (