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bon accueil ; il lui fournit de l’argent et des les plantations. Les régions les plus fertiles

bon accueil il lui fournit de l’argent et des hommes commandés par Richard de Clane (appelé aussi Strongbow), qui appartenait à la noblesse normande.

La conduite du roi d’Angleterre en cette circonstance avait été déterminée par une bulle du pape Adrien IV, le seul Anglais qui ait jamais occupé le trône pontifical. Par cette bulle le pape donnait l’Irlande à l’Angleterre, à condition que celle-ci ramenât ce pays à l’Église romaine et payât au pape un denier par an pour chaque foyer irlandais (denier de Saint-Pierre).

On avait promis àStrongbow la main d’Ève, fille et unique enfant de Dermod. Strongbow, qui cherchait à refaire sa fortune compromise, espérait hériter de tous les droits de propriété et de tous Les privilèges de son beau-père ; mais, dans le régime des tribus, il n’y a pas d’héritage pour les filles. Ce fut la première fois que la féodalité anglaise se trouva face à face avec le régime communal des Irlandais.

Henri II débarqua en Irlande en 1172 ; il reçut à Dublin les hommages des rois de Leinster, d’Ulster, de Munster, de Meath, etc. Mais, pendant des siècles, l’Angleterre ne posséda que le Pole (la palissade, l’enclos), c’est-à-dire Dublin et ses environs. Elle y établit le régime féodal. Tout le reste de l’Irlande vivait sous le régime des tans, ou clans, ou tribus, régime qu’on appelle brièvement tanistry, conformément au code des brehons. Ce régime comprend le gavelkind, en vertu duquel, à la mort du père, sa propriété est partagée entre ses fils.

Les deux régimes restèrent en présence jusqu’au XVIe siècle. Ce fut à cette époque que Henri VIII, le premier souverain anglais qui ait été réellement souverain d’Irlande, résolut d’assurer sa domination en imposant le régime anglais à l’exclusion du code des brehons et du gavelkind.

A cet effet, le roi persuada à la plupart des chefs et des nobles de se déclarer ses vassaux et de lui rendre hommage. Il érigea leurs terres en baronies, comtés, etc., sous le régime anglais, ce qui offrait aux titulaires l’avantage de fixer ces terres dans leurs familles. Il déclara que le code des brehons serait désormais illégal et que la loi anglaise serait seule appliquée en Irlande. Les chefs qui avaient résisté finirent par se soumettre, eux aussi, et toutes les tribus furent ainsi frustrées des terres qu’elles avaient possédées. Sous Élisabeth, on prit prétexte de plusieurs insurrections pour confisquer les terres de presque tous les seigneurs Irlandais et les donner à des villes et des corporations, etc., afin de replanter l’île. C’est ce qu’on appela

les plantations. Les régions les plus fertiles de l’Irlande furent ainsi accaparées. Les Irlandais n’eurent plus le droit de posséder la terre ; à peine leur fut-il permis de contracter, pour 30 ans, des baux à un loyer excessivement élevé. Sous prétexte de religion les droits civils et politiques leur furent retirés. Ils furent presque réduits à l’état de serfs, complètement subordonnés aux landlords. 2. SITOATION AU XIXe SIÈCLE.

Avant les Gladstonian laws, les relations entre propriétaires et tenanciers étaient, en principe du moins, réglées par les lois anglaises. Mais l’Irlandais n’acceptait pas ce régime

légal ; il tenait à ses coutumes, dérivées des anciennes traditions et rappelant cette organisation primitive dont nous avons donné une esquisse (§ 111,1): coutumes d’accord avec les opinions du peuple, concernant le droit, pour tous, de posséder la terre, de l’occuper, de vivre sur elle. C’est dans l’antagonisme entre ces deux systèmes qu’il faut chercher l’origine de toutes les discussions et de toutes les luttes qui ont troublé l’Irlande pendant un si long laps de temps. L’Irlandais n’acceptait pas le système anglais, il ne reconnaissait pas les décisions des cours de justice. De là les évictions, les assassinats, les incendies, entre les possesseurs et les travailleurs du sol.

Cet état de guerre ouverte était aussi nui-

sible au landinrd qu’au tenant. Le premier, considéré dans le pays comme un étranger (alien) et un usurpateur, ne vivait pas sur ses terres, et il en dépensait les revenus ailleurs. C’est ce que l’on a appelé l’absentéisme (voy. ce mot). D’autre part, il hypothéquait ses propriétés, il les surchargeait de dettes accu-.mulées qu’il faisait payer par ses tenanciers en augmentant le loyer des terres. Une des. conséquences de l’absentéisme fut l’apparition des middlemen, agents, intermédiaires, administrateurs ou intendants, qui pressuraient. les tenanciers, divisaient et subdivisaient les terres, évinçaient les débiteurs et qui même, lorsque lé bétail se vendait bien, n’hésitaient pas à transformer en pâturages les terres précédemment cultivées par les fermiers. évincés. Les loyers étaient si élevés qu’on leur avait donné le nom de rack rents (loyers de chevalet ou de torture): c’est dire que le middleman était considéré comme un tortionnaire. Le locataire n’avait pas de bail (fixity of tenure), il ne lui était attribué aucune compensation pour les perfectionnementsqu’il avait introduits dans les terres cultivées par lui ;. il n’avait même pas le droit de céder son occupation de la ferme avec les ré-


AGRAIRES (