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46 AMORTISSEMENT

sociétés de chemin de fer, ou même avoir une durée illimitée, comme les communes, les États. Dans le premier cas, l’intérêt des particuliers peut être considéré comme identique à celui de leurs successeurs, et l’intérêt des sociétés comme se confondant avec celui de leurs membres actuels dans le second cas, il peut y avoir en présence deux intérêts distincts, celui des membres actuels de la société, de la commune, de l’État et celui de la société, de la commune, de l’État, considérés indépendamment de leurs membres actuels.

Cette opposition d’intérêts a été fréquemment perdue de vue, et cela s’explique parce que, en fait, l’intérêt d’une société ou d’un Etat se confond souvent avec la somme des intérêts individuels des associés ou des citoyens qui, à un moment donné, font partie de cette société ou composent cet État. Il est bien certain cependant, d’une part, que cette opposition d’intérêts se présente parfois et, de l’autre, que la solidarité qui unit tous les membres d’une nation ou d’une société, s’étendant aussi à ceux qui ont composé ou composeront cette nation ou cette société, nous impose l’obligation de ne pas sacrifier à nos intérêts actuels l’intérêt permanent de l’Etat ou de la société dont nous faisons partie. De même que nous souffrons ou prolitons de la direction donnée aux affaires publiques par les gouvernements qui nous ont précédés, de même les générations qui nous suivront verront leurs intérêts compromis ou sauvegardés par les mesures que nous aurons prises. C’est donc pour nous une stricte obligation que de ne pas leur laisser toute la charge des engagements auxquels nous aurons souscrit en notre nom et au leur, pour nous assurer des avantages plus ou moins immédiats et dont peut-être ils ne profiteront, s’ils en profitent, que dans une très faible mesure. Si nous n’avions pas à nous préoccuper des effets de l’amortissement dans l’avenir, on pourrait dire, non sans quelque apparence de raison, qu’aucun amortissement ne peut se justifier, car son effet, dans le présent, est de prendre de l’argent à ceux qui ne veulent pas en donner (les contribuables) pour le remettre à ceux qui préféreraient ne pas le recevoir (les rentiers). Sans contester en principe l’utilité de l’amortissement, on a parfois prétendu que les conditions spéciales où se trouvait un État ne permettaient pas d’appliquer à ses emprunts les règles dont on ne méconnaissait pas la valeur pour les dettes des particuliers ou pour celles des sociétés à durée limitée. Les dettes publiques actuellement contractées pèseront, a-t-on dit, d’un poids

r beaucoup moins lourd sur les générations à venir, par suite de l’accroissement de la s population, qui multipliant le nombre des débiteurs diminuera la charge de chacun t d’eux, par suite aussi du développement cone tinu de la richesse publique et de la baisse de 1 valeur des métaux précieux. N’est-ce pas là un véritable amortissement  ? Il serait en effet difficile d’y contredire, si l’accroissement de la population était certain, s’il coïncidait nécessairement avec le développement s de la richesse publique et si la valeur des métaux précieux devait toujours décroître. Quelques faits contemporains ont pu faire illusion à cet égard, mais l’histoire donne à ces hypothèses le plus formel démenti. 2° De la nature des ressources que l’emprunteur peut affecter à l’amortissement. Il faut également, pour apprécier l’utilité d’un amort tissement, tenir compte de la nature des ressources qu’on peut y affecter. Les conditions dans lesquelles se trouve une société qui a emprunté pour développer l’industrie qu’elle exploite sont fort différentes de celles où se trouve un État. Pour amortir sa dette, une société industrielle peut et doit disposer des bénéfices qu’elle réalise et qui proviennent de ses emprunts. La situation d’un État est toute différente.

Nous supposons ici et c’est, sans contredit, le casle plus fréquent, queles emprunts d’État ont été faits en vue de dépenses improductives. Si en effet on recherchait l’origine de toutes les dettes publiques, on verrait que de beaucoup la plus grande partie provient de déficits budgétaires ou de dépenses de guerre. Ce n’est que très exceptionnellement que des emprunts ont été contractés pour exécuter des travaux publics, et il ne serait même pas exact de dire que toutes les dépenses couvertes par ces emprunts ont eu pour effet d’augmenter d’une manière permanente la richesse nationale. Il nous suffira donc de formuler cette réserve que tout ce que nous dirons des emprunts d’État n’est pas d’une rigoureuse exactitude quand le montant de ces emprunts a été consacré à des dépenses reproductives, telles que la construction de ponts, de ports ou de phares donnant lieu à la perception de droits spéciaux.

Si nous recherchons maintenant quelles. sont les ressources dont dispose un État pour amortir sa dette, nous voyons qu’elles consistent uniquement dans le produit des impôts. Ce sont toujours les contribuables qui auront à fournir la dotation de l’amortissement, et il est même à observer que la quotité de la somme qu’on devra leur demander ne dépendra nullement du mode d’amortissement adopté, mais uniquement du chiffre


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