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terre et se voua dès lors aux études comparées et raisonnées qui ont rempli toute son existence. Les emplois et les honneurs couronnèrent bientôt ses travaux. En 1819, professeur au Conservatoire des arts et métiers, en 1828 député du Tarn, en 1838 pair de France, en 1848 et 1849 représentant du peuple, en 1852 sénateur ; membre ou rapporteur de toutes les expositions de l’industrie depuis 1827, président du jury français à celle de Londres, en 1851, président de presque toutes les commissions scientifiques, il a, tenu, même malgré lui, une place importante dans le mouvement économique de notre époque. Deux fois membre de l’Institut des sciences (1818) et des sciences morales (1832).

Charles Dupin a rendu à l’économie politique un service considérable. Il n’était pas, à proprement parler, un économiste, il était statisticien. Il releva cette science alors tombée dans un déplorable dédain et pourtant si importante pour le développement des sciences économiques. Il obtint pour elle l’appui des pouvoirs publics et fit créer des bureaux spéciaux de statistique, la voie officielle étant alors le seul moyen d’obtenir des faits et des chiffres sérieux.

Promoteur infatigable de l’instruction populaire, il fit multiplier les écoles et, à côté, comme corollaire, provoqua les caisses d’épargne, la surveillance du travail dans les manufactures et n’arrêta pas un instant, presque nonagénaire, les travaux et les occupations de toute sa vie.

L’économie politique peut encore revendiquer dans son œuvre : Forces productives et commerciales de la France (1827). — le Petit producteur français (1827) et suiv. 7 vol. — Petits pamphlets à l'adresse du système prohibitif. — Situation sociale et politique des colonies françaises en 1844. — Les caisses d’épargne de France (1844). — Force productive des nations depuis 1800 jusqu’à 1851 (Impr. Impér., 4 vol.).

E. R.


DU PONT (Pierre-Samuel), plus connu sous le nom de du Pont de Nemours, qu’on lui donna à l’Assemblée constituante et qu’il garda depuis, est né à Paris le 14 décembre 1739. Une petite brochure, qu’il publia en 1763 pour réfuter un projet d’impôt, proposé par un empirique sous le titre pompeux de Richesse de l’État, le mit en rapport avec le marquis de Mirabeau et avec Quesnay, qui lui enseignèrent leurs principes et l’aidèrent à obtenir un emploi chez l’intendant de Soissons, avec mission de dresser la statistique agricole de la province. Du Pont était alors âgé de vingt-trois ans ; il possédait une rare facilité de travail qui lui avait valu des succès exceptionnels dans ses études, un style clair et attachant, quoique emphatique, de l’abondance et de l’originalité dans la conversation il fut bientôt l’un des disciples préférés de Quesnay qui, pour mieux l’instruire, le faisait travailler sous ses yeux. « Soignons ce jeune homme », disait-il, « il parlera quand nous ne serons plus ».

À ce moment, le gouvernement songeait à donner la liberté au commerce des céréales à la frontière. Du Pont exposa les avantages de ce projet dans son livre sur l’Importation et l’exportation des grains, qui fut assez remarqué pour que Trudaine appelât l’auteur à préparer, avec Turgot, l’édit à soumettre à la signature du roi. Mais Mme  de Pompadour venait de mourir, Bertin(voy. ce mot) avait quitté le contrôle général pour le laisser à Laverdy ; l’édit parut en juillet 1764 avec des modifications restrictives ; il a conservé cependant un ton suffisamment physiocratique pour qu’on y reconnaisse la main de ses premiers rédacteurs.

L’année suivante, Laverdy favorisait la création du Journal de l’agriculture, du commerce et des finances, dans le but de relier entre elles les sociétés d’agriculture et de faire, par leur intermédiaire, une sorte d’enquête sur la question des céréales ; du Pont fut choisi pour diriger ce journal. Il devait se borner à publier les mémoires qui lui étaient adressés, sans manifester d’opinion personnelle ; mais le jeune écrivain ne put se résoudre à jouer ce rôle effacé et par trop impartial ; il réfuta dans des notes les mémoires protectionnistes qu’il était contraint d’insérer et ne publia bientôt plus que des articles dus à la plume de Quesnay et des autres économistes. Il s’attira ainsi des persécutions de toutes sortes et finalement se fit renvoyer.

Le Journal de l’agriculture avait servi pendant seize mois d’organe à la nouvelle école ; Quesnay y avait fait paraître ses principaux écrits et avait donné un corps à son système, resté informe dans ses premiers opuscules et dans les ouvrages diffus du marquis de Mirabeau. Il ne s’agissait plus que de continuer la propagande commencée. Dans ce but, du Pont réunit en deux volumes les articles de son maître et leur donna le nom de Physiocratie, ou constitution naturelle du gouvernement le plus avantageux au genre humain ; lui-même résuma la philosophie du système dans un discours préliminaire placé en tête de l’ouvrage et, quelques mois plus tard, publia, sur les conseils de Diderot, un abrégé des doctrines politiques de Lemercier de la Rivière, sous le titre d’Origine et progrès