Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/13

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Il est et il a toujours été tel, d’ailleurs, dans tous les pays, même chez les Grecs et les Romains 1 . M. Hippoiyte Passy, à l’article Impôt du précédent Dictionnaire, disait : « Sous l’empire romain, pas une matière imposable n’échappa aux atteintes du fisc et vainement, l’impôt du timbre excepté, on chercherait une seule taxe qui n’ait pesé sur les populations des provinces. Jamais société, ne fut pressurée sous des formes aussi diverses et aussi compliquées. »

Les savants ouvrages de M. Humbert confirment plus récemment l’exactitude de cette description. Aujourd’hui, il suffit de jeter les yeux sur l’organisation financière de nos voisins, comme sur notre propre organisation, pour y reconnaître le fait caractéristique de la multiplicité des impôts. En Angleterre, spécialement, où la liste des taxes a été singulièrement réduite depuis cinquante ans, le fisc frappe encore les fonds déterre, les maisons habitées, les revenus fonciers, mobiliers, industriels, le thé, le cacao, le café, les produits chimiques, la chicorée, le vin, la bière, les spiritueux, les successions, les assurances, les effets de commerce, les chevaux et voitures, les armoiries, les fruits, la chasse, la vaisselle d’or et d’argent, etc.

En France, la nomenclature serait deux fois plus longue, car l’impôt y revêt plus de cinquante déguisements différents. Le mot déguisement exprime bien, dès l’abord, la raison primordiale qui justifie la multiplicité des taxes. Celles-ci, en effet, ont raison de se dissimuler, elles ont besoin de masquer leurs imperfections inévitables. Pour y parvenir, elles se font modestes et petites, espérant passer, autant que possible, inaperçues en s’éparpillant Proudhon. a parfaitement résumé l’argument dans les lignes suivantes : « Tous les impôts, redisons-le encore une fois, tous sans exception, sont entachés d’iniquité, aboutissent à l’iniquité. Qui ne voit donc qu’un système unique, dans lequel se concentrerait, par le fait de l’exclusion de tous les autres, la somme des iniquités fiscales, serait un impôt d’une iniquité prodigieuse, d’une iniquité idéale, puisqu’il aurait pour effet de mettre plus violemment en relief l’anomalie commune à chaque espèce d’impôt, anomalie qui se sent et se voit d’autant moins qu’elle s’éparpille davantage ? »

inutile de combattre l’unité de l’impôt sur ce terrain, où la déclamation a trop beau jeu. Nous expliquons seulement plus loin, comment, tout au contraire, les progrès de la civilisation s’associent mal à l’idée de l’impôt unique. . Voir le Traité dex impôts du peuple romain, de Jules Boulenger, traduit pour la première fois par Edm. Renaudin, Guillaumin, 1S73, in-S.

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D’ailleurs, à un point de vue plus philosophique, la multiplicité des taxes correspond logiquement à la multiplicité des faits sociaux. Dans une société primitive, où tout est simple et encore informe, l’unité de l’impôt se conçoit aisément. Mais dans une société avancée, au fur et à mesure des progrès de la civilisation, les relations se développent, se compliquent, s’enchevêtrent ; la richesse revêt mille formes diverses et incessamment variables. L’impôt, pour y remplir efficacement son rôle, doit donc se multiplier à son tour et se diversifier comme les objetsmêmes qu’il veut atteindre. Sous peine de demeurer impuissant, il doit suivre les évolutions de la matière imposable, devenir mobile et dissemblable comme elle. Peut-on concevoir un impôt des patentes unique,, lorsque le commerce et l’industrie se répartissent en plus de quinze cents professions différentes ? Que serait un impôt d’enregistrement unique en face de la diversité des actes et contrats de toute nature que les besoins des affaires créent chaque jour ? Comment, en un mot, espérer saisir la richesse par une seule de ses manifestations, lorsque ces manifestations sont devenues innombrables ?

Cette phrase de M. Baudrillart résume 

la question : — « Ri la science, ni la société modernes ne s’accommodent de cette unité abusive, de cette simplicité extrême, de cette logique à outrance. Tout s’est compliqué en réalité. Comment vouloir réduire à l’unité absolue cette multiplicité qu’on trouve dans les faits accumulés par l’observation ? ... La méthode radicale devrait perdre du terrain, loin d’en gagner. Il s’en faut que la simplicité soit un signe de vérité. Dans les matières sociales, spécialement en matière d’impôts, il semble que ce devrait être une présomption d’erreur. »

. L’impôt doit être exclusivement le pourvoyeur du Trésor. — Impôt stimulant ; impôt considère seulement comme phénomène indifférent. — Impôt protecteur et impôt moralisateur. — Réfutation de ces divers sophismes, En troisième lieu, l’impôt ne doit avoir d’autre rôle que celui de produire les revenus nécessaires aux besoins de l’État : il doit être exclusivement le pourvoyeur du Trésor. En conséquence, les théories de l’impôt stimulant, de l’impôt protecteur et de l’impôt moralisateur sont des théories condamnables. Elles ont cependant d’assez nombreux adeptes. Impôt stimulant. — La nécessité seule, ont dit certains auteurs, peut contraindre l’homme à travailler. Il suffit, dès lors, d’accroître l’intensité de cette nécessité, pour développer d’autant le travail national. Voyez les villes de Tyr, 1 Sidon, Carthage, Ve-