Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/338

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

par des Italiens originaires de Lombardie et que pour cette raison on appelait lombards, et par des usuriers dont les premiers, originaires de Gahors, firent désigner les autres dti nom de cahorsins. Il existe divers documents publics à leur sujet et notamment deux ordonnances : Tune de 1360, autorisant les juifs à résider en France, leur permettant de prêter sur gages, et limitant le taux de l’intérêt à 4 deniers pour livre par semaine, soit encore 86 p. 100 Tan ; l’autre de 1380, autorisant les lombards à prêter sur gages, mais leur interdisant d’accepter en nantissement des reliques, des ornements d’église, des socs, coutres, ferrements de charrues et fers de moulin, et fixant le taux d’intérêt à 43 p. 100 par an. Les prêts sur gages étaient alors soumis d’une manière générale à une réglementation qui n’est en somme que le règlement embryonnaire des monts-de-piété actuels : les prêteurs n’étaient tenus de rendre les objets en nantissement qu’après remboursement intégral du principal et des intérêts et pouvaient vendre les gages au bout d’un an et un jour s’ils n’étaient pas remboursés ; mais si la vente produisait au delà de la somme due, la différence devait être remise à l’emprunteur ou consignée entre les mains de la justice, s’il était absent. En dehors de la France, il existait alors à l’étranger quelques maisons de prêts sur gages. Un écrivain allemand, Reiffenstuel, rapporte que, vers 1198, un établissement de prêt sur nantissement fonctionnait à Fresingen ^ en Bavière, sous la direction d’une association charitable confirmée par Innocent III. De même enAngleterre, vers 1350, un évêque de Londres légua une somme de 1000 marcs d’argent pour être employée à la création d’un établissement du même genre : le testateur stipula que les fonds devraient être prêtés sans intérêts, mais que les gages seraient vendus un an et quatorze jours après l’emprunt s’ils n’étaient pas remboursés. Les monts-de-piété proprement dits ont pris naissance en Italie sur l’initiative d’un moine récollet, Barnabe de Terni, qui, prêchant à Pérouse, fulmina contre les usuriers et donna l’idée aux riches bourgeois qui l’écoutaient de former un fonds commun destiné à faire aux pauvres de la ville des prêts gratuits. La banque de prêt que ceux-ci fondèrent ne put exiger de ses emprunteurs que le remboursement de ses frais de services ; elle reçut le nom de mont-de-piété, qui fut adopté par les autres établissements créés depuis cette époque.

L’exemple de Pérouse fut bientôt suivi par an grand nombre d’autres villes d’Italie : Orvieto (1464), Viterbe (1471), Bologne (1475), Savone (1479), Mantoue (4484) ; ce dernier établissement était géré par douze directeurs dont quatre religieux, deux nobles, deux jurisconsultes ou médecins, deux marchands et deux autres bourgeois. Citons encore les villes de Parme (1488), Milan (1496), Trêves (1529) etRome (1939) ; celui-ci devint célèbre, ce fut une véritable banque, où les riches placèrent leurs capitaux, les pères de famille leurs épargnes destinés à former la dot de leurs filles, et où les malheureux trouvèrent à emprunter sur gages à des conditions plus avantageuses que celles qu’ils avaient jusque-là subies. L’ordre des récollets, auquel on était redevable de la création de ces établissements, s’attacha à en accroître le nombre : un religieux de cet ordre, Bernardin de Feltre, en fonda notamment encore àPadoue (1491), à Florence (1492) et à Pavie (1493). L’Église ayant longtemps proscrit le prêt à intérêts, de vives discussions ne manquèrent pas de s’élever sur ce que les nouvelles institutions pouvaient avoir d’irrégulier. Le débat fut porté devant le concile de Latran ; en 1515, une bulle du pape Léon X déclara que les monts-de-piété ou bureaux de prêts sur gages n’étaient point usuraires, même lorsqu’on faisait payer un intérêt modéré, bien qu’il fût plus parfait d’en créer où Ton prêtât sans intérêts.

L’introducteur des monts-de-pi été aux Pays-Bas fut Wenceslas Gœberger. Il fut appelé par l’archiduc Albert, en 1618, pourenfonder dans toutes les villes du Brabant, de Flandre, de l’Artois et du Hainaut, où se tenaient des maisons de prêt usuraires tenues par les lombards. C’est de cette époque que date la création des monts-de-piété de Bruxelles (1618) Arras (1621), Anvers, Gand, Tournai, Cambrai, Mous, Bruges, Namur, Courtrai, Bergues, etc. Ces établissements avaient le caractère mixte de banques pour le commerce et d’établissements charitables, ils prêtaient généralement à un taux élevé, 45 à 18 p. 100, de façon à servir leurs intérêts aux bailleurs de fonds et à couvrir leurs dépenses ; ils furent placés sous la direction d’un surintendant général. Lorsque Louis XIV conquit la Flandre et l’Artois, il maintint les monts-de-piété de Cambrai et d’ Arras, et leur donna comme protecteur le chancelier de France.

La France, cependant, n’avait pas imité les Pays-Bas ni l’Italie ; les monts- de-piété y étaient rares et les maisons de prêts libres y pullulaient. Un premier mont-de-piété avait bien été fondé à Avignon en 1377, mais les villes du comtat Venaissin étaient alors propriété pontificale. En 1611, un ancien ligueur devenu lieutenant du roi, Hugues Delcstre (de Langres), présenta à Marie de Médicis le