Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de parcelles pour 49 millions d’hectares, ce qui portait à un peu moins de 45 ares la contenance moyenne des parcelles non bâties. Cette parcelle moyenne de moins d’un demihectare scandalisait fort ceux qui, ne croyant point que deux parcelles contiguës pussent appartenir à la même personne, voyaient ainsi le sol français changer de maître tous les cent pas et trouvaient là une raison de plus de maudire la Révolution, supposée ■ responsable du fait. Quand on sait qu’il suffit, pour faire pulluler les parcelles, de varier les cultures, de multiplier les voies qui les desservent et les clôtures qui les protègent, il n’y a plus qu’à rendre hommage à l’industrie des populations qui ont aménagé si soigneusement la terre qu’elles exploitent. Ce n’est pas là, du reste, un état de choses récent : de nombreux témoignages établissent qu’au xvm e , au xvii e et même au xvi e siècles, le parcellement de la propriété rurale, dans certaines parties du royaume, était déjà très avancé. La Révolution n’y ’a pas changé grand’chose.

Et depuis le cadastre, quel a été le mouvement de cette forme particulière du morcellement ?

A entendre les pessimistes, on 

aurait pu croire que le nombre des parcelles avait encore doublé ou triplé. Par contre des hommes dont l’autorité semblait indiscutable, comme M. l’inspecteur général Heuzé, en J875, comme M. le sénateur Luro en 1889, répétaient, comme si le cadastre pouvait encore faire foi à cet égard : « 11 y a en France 126 millions de parcelles ». En 1884, les résultats de la recadastration des 2265 communes dont le cadastre avait été révisé^ et les faits observés en Belgique, où l’administration suit très attentivement l’évolution de la propriété foncière, nous amenaient à« admettre comme probable pour la France actuelle un chiffre d’environ 140 millions de parcelles, 150 millions tout au plus ». Depuis lors, en 1888, l’administration de l’agriculture à mis au jour la grande Enquête de 1882 et notre hypothèse s’y trouve très exactement confirmée, car les parcelles culturelles y sont au nombre de 125 millions et la propriété bâtie ajouterait sans doute 15 à 20 millions de parcelles.

Rapproché du nombre des cotes, le nombre des parcelles culturales fait ressortir une moyenne de 10parcelles3/10parcote (3,4dans la Seine, plus de 100 dans quelques départements de l’Est).

L’étendue moyenne de la parcelle culturale est actuellement de 39 ares (23 ares en Belgique). Mais dans cette moyenne se confondent de grandes inégalités. Dans l’Ile-de-France, la Champagne, la Lorraine, les Cha-MORCELLEMENT

rentes, etc., la parcelle moyenne n’atteint pas 30 ares ; elle dépasse 50 ares en Normandie, dans le Perche et le Maine, dans le Centre* dans les Landes, dans la région des Alpes et dans celle des Pyrénées.

En moyenne, on trouve 22 parcelles par exploitation. L’exploitation se morcelle davantage dans les départements où dominent la moyenne et la grande propriété que dans ceux où domine la petite. Les auteurs de l’enquête de 1882 le constatent, mais ils s’en étonnent, ce qui permet de croire qu’ils ont eux-mêmes perdu de vue, momentanément, la vraie définition de la parcelle cadastrale.

m. TROISIÈME FORME DU MORCELLEMENT ■ LA DISSEMINATION DES PROPRETÉS. . Inconvénients delà discontinuité des domaines ruraax.

La troisième forme du morcellement a cela de particulier que presque tout le monde est d’accord pour en proclamer les inconvénients. Nous ne voyons guère que Jacques Vannière, le poète un moment célèbre du Vrsedium rmiimm, qui ait recommandé les exploitations disséminées :

Prxdia née ventis née iempestaiibus iîsdem Subdere plura velim : fundos si Jung ère pulchrum. Rushca damnose casu res omnis ab uno Pende t ; et interdum domini variare, novoque Dissita sub cœto gaudent loca visere, tritas Ire née usque vias, et eosdem cernere colles. A cela, les agronomes sérieux répondent que la terre idéale est, au contraire, celle d’un seul tenant et que la dispersion des surfaces cultivables entraîne des inconvénients de toute sorte : difficultés de voisinage et d’accès, difficultés de clôture, difficultés d’aménagement, difficultés de surveillance Olivier de Serres, Patullo, Mathieu de Dombasle, François de Neufchâteau, Yvart, MM. Tisserand, Grandeau, etc., sont d’accord sur ce point. François de Neufchâteau dit : « Avec les territoires hachés, cisaillés, sans chemins pour arriver aux lambeaux qui les constituent, l’agriculture, froissée par les entraves que le parcours et la vaine pâture multiplient autour d’elle, ne peut pas plus grandir qu’un enfant qu’on garotterait au berceau avec des liens de fer ». C’est surtout au point de vue de l’assolement que l’entrelacement des exploitations leur ôte toute indépendance : « On est dans la nécessité de suivre servilement la culture de son voisin, de façon à labourer, semer et récolter quand il laboure, sème et récolte. Comment un propriétaire pourrait-il se risquer à faire des prairies artificielles ou des racines alors