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Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/42

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tient rarement dans la limite du nécessaire et semble ainsi justifier la plupart du temps l’intervention de l’impôt. Quant au logement, la taxe qui le frappe sort de notre cadre, puisqu’elle constitue non pas une taxe de consommation, mais une taxe directe proportionnelle à la valeur locative. La nomenclature se trouve, dès lors, restreinte aux objets de première nécessité, atteints par les impôts indirects de consommation, et incapables, ou plutôt difficilement capables, par leur nature même, de se prêter à une extension abusive de consommation : tels sont, ayons-nous dit, le pain, le sel, la viande, et quelques autres denrées.

Appliqué à des matières ainsi limitées, l’impôt sur les consommations déploie, dans toute sa rigueur, les caractères qui lui ont été assignés plus haut. Il frappe indistinctement, aveuglément même, le riche ou le pauvre, sans pouvoir reconnaître la portée de ses coups, sans être à même d’en modérer l’intensité suivant les possibilités des contribuables. Or, cette inflexibilité de taxation devient particulièrement redoutable à l’égard des objets de première nécessité. Car leur renchérissement contraint le pauvre, celui dont le salaire pourvoit tout juste au pain quotidien, à retrancher sur son strict nécessaire, àréduire la portion des éléments indispensables aux besoins les plus essentiels de son existence.

Sans doute, comme de telles privations ne sauraient se prolonger, comme il faut bien vivre en fin de compte, une augmentation normale du taux des salaires ne tarde pas à venir compenser le prélèvement opéré par le fisc. Les lois de l’économie politique enseignent que tôt ou tard une telle répercussion se manifeste forcément. C’est le riche alors, dit-on, c’est l’employeur de services, le patron, qui finit par payer la taxe réclamée primitivement au salarié.

Mais déjà on reconnaît combien un tel détour est pénible et coûteux. Pénible, car, comme le dit excellemment M. Léon Say, « on ne saurait prétendre que ce soit chose indifférente d’être percepteur de l’impôt ou de ne pas l’être ». L’avance des droits peut représenter un lourd sacrifice, même pour celui qui, plus tard, en récupérera le montant, événement, d’ailleurs, toujours aléatoire, comme nous allons le voir. Coûteux, parce que le circuit que doivent parcourir tant d’intermédiaires gaspille inutilement une partie des forces de la nation. Arrivons, d’ailleurs, au point décisif : ceux, dont le salaire pourvoit à peine à l’existence quotidienne, réussiront-ils toujours, ainsi qu’on l’a prévu théoriquement, à rejeter le IMPOT

poids de l’impôt sur de plus forts qu’eux ? Si le taux des salaires, par suite des oscillations de l’offre et de la demande, vient à tomber au-dessous du niveau strictement nécessaire à l’entretien de la vie, immédiatement et pendant toute la durée de cette dépression, le salarié conservera à sa charge une partie, sinon même la totalité de l’impôt. Des situations plus graves encore peuvent se produire. En cas de chômage, de maladies, d’infirmités, etc., pendant ces intervalles si fréquents de suspension de travail, alors que le salaire n’existe plus du tout et que,par conséquent, la répercussion qu’on invoque cesse absolument de fonctionner, les droits sur les objets de première nécessité continueront de peser de tout leur poids sur le malheureux qui ne peut leur échapper 1 . Dans cette cruelle impasse, il devra ou payer, ou s’abstenir. L’alternative à laquelle déjà nous avons fait allusion se dresse ici sous son aspect le plus terrible. Car si, faute d’épargne ou de secours, payer ne devient plus possible, s’abstenir ne le sera pas davantage. S’abstenir, dans le cas présent, c’est se priver du nécessaire, c’est prendre sur sa vie : ce serait littéralement mourir de faim : conséquence extrême et trop réelle des impôts sur leb objets de première nécessité, terrible responsabilité qu’ils encourent ! Ils aident, dans la mesure du surcroit de prix provenant de leur fait, le pauvre sans ouvrage à mourir de faim ; ils prélèvent une part sur l’existence même des membres de la nation.

Dès lors, on ne saurait s’étonner de voir les économistes, unanimes au moins dans la circonstance, répudier sans hésitation ces sortes de taxes. Seulement, pour motiver leur condamnation, les uns s’appuient sur les arguments qui viennent d’être exposés, tandis que d’autres — et c’est le plus grand nombre, surtout parmi les anciens auteurs

— invoquent des raisons, connexes sans doute aux précédentes, mais d’un ordre différent.

D’après eux, les impôts sur les objets de première nécessité représentent des taxes de capitation progressives à rebours. La consommation de chaque individu en pain, viande, sel, etc., étant égale, ou à peu près égale, les plus fortunés payent autant de droits que les plus misérables sur ces denrées essentielles et, par conséquent, la proportionnalité est rompue dans le sens le plus . M. Léon Say ajoute les phrases suivantes à la citation que nous venons d’extraire de ses Solutions démocratiques : « Après avoir fait l’avance de l’impôt, on risque de ne pas être remboursé du tout. Vienne le chômage, l’ouvrier n’a plus personne devant lui à qui demander le remboursement de l’impôt : il l’a payé, il en garde le poids, »