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PAPIER-MONNAIE

nationale avait décidé, par un décret des 19-21 décembre 1789, l’aliénation des domaines de la couronne et du clergé. Mais comme la vente ne pouvait s’opérer que lentement et que les besoins du Trésor étaient urgents, il fut décidé en même temps qu’on émettrait un papier, l’assignat, représentatif de la valeur des biens mis en vente jusqu’à concurrence de 400 millions. En même temps on créait une Caisse de l’extraordinaire dont les recettes, composées de la contribution patriotique, du produit des ventes ordonnées et toutes les autres recettes extraordinaires de l’État, devaient servir à éteindre les assignats par voie de tirage au sort en cinq années, savoir : 120 millions en 1791, 100 millions en 1792, 80 millions en 1793, 80 millions en 1794 et le surplus en 1795 (Décret et lettres patentes des 19-21 décembre 1789-janvier 1790). Mais la rareté du numéraire et les besoins croissants du Trésor obligèrent bientôt le gouvernement à changer le caractère des assignats. Le décret des 16-17 avril 1790 vint leur donner, avec le cours légal, le caractère de monnaie et comme la caisse de l’extraordinaire n’était pas autorisée à les rembourser à vue, le cours forcé s’établissait tout naturellement. Les assignats devenaient donc à cette date un véritable papier-monnaie. La première émission réussit assez bien, les coupures étaient fortes puisqu’il n’y en avait pas de moins de 200 livres 1 , elles ne pouvaient donc pas être employées comme monnaie courante, et, si on s’en fût tenu là, nul doute que l’opération n’eût été favorable. Mais devant le succès de la nouvelle création on ne sut pas s’arrêter à temps. Les errements financiers de l’ancien régime furent suivis et, en septembre 1790, Mirabeau proposa d’augmenter l’émission et de la porter à 1200 millions. Une vive discussion s’engagea à l’Assemblée et malgré la résistance de Talleyrand et de Du Pont de Nemours le projet fut adopté et la loi promulguée le 29 septembre suivant. Quelques jours après, le 10 octobre, l’intérêt, devenu inutile puisque l’assignat depuis le décret d’avril était une monnaie, fut supprimé.

A partir de cette époque, les émissions se succédèrent rapidement et sans limites. Le 19 juin 1791 on lançait dans la circulation pour 600 millions de nouveaux assignats, et le lendemain on décrétait que sur cette somme 100 millions seraient confectionnés en billets de 5 livres. C’était chercher la dépréciation rapide du papier-monnaie. Elle ne se fit pas attendre. En 1793 la circulation fiduciaire était de 3 776 millions ; les . Ces coupures étaient de 1000, 300 et 200 livres (Décret i«*jum 1790),

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émissions avaient été de 4416 millions et 840 millions en assignats avaient été retirés* Or, à cette époque, ils perdaient 82 p. 100 de leur valeur. Pour arrêter cette baisse énorme, on convertit pour 558 millions de papier en billets au porteur et les cours se relevèrent au point d’atteindre presque le pair en décembre 1793. Mais ce ne fut pas pour longtemps ; les besoins de l’État allaient croissant et les émissions les suivaient. En outre, comme la valeur du papier était très faible, l’État, pour se procurer quelques ressources, devait majorer dans des proportions considérables le total de ses émissions successives. Il jetait ainsi sur le marché des quantités énormes de papier qui dépréciait le papier déjà émis tout en se dépréciant lui-même. Les coupures devinrent de plus en plus petites, il y en eut de dix et de quinze sols qui valaient à peine en monnaie métallique la valeur du papier dont elles étaient confectionnées. Enfin, au mois de décembre 1795, alors que l’assignat de 100 francs ne valait plus guère que 50 centimes, une loi du 23 décembre arrêta la fabrication et ordonna la destruction de la planche qui servait à cet usage et qui avait produit, au dire de Ramel, pour 45 581 411 018 livres de papier monnaie. On prescrivit l’échange des assignats encore circulant contre des mandats territoriaux dans la proportion de trente pour un. Calculée de cette façon, la somme des assignats échangeables devait être d’à peu près 800 millions. L’émission du nouveau papier monta à 1400 millions, qui devaient servir au remboursement et aux besoins urgents de l’État. Mais la confiance avait disparu de l’esprit public ; le jour même de l’émission, les mandats territoriaux perdaient plus de 80 p. 100 de leur valeur. L’État renonça donc à poursuivre son œuvre ; il rétablit la liberté des transactions, refusa de recevoir les mandats dans ses caisses et enfin, le 21 mai 1797, annula les assignats non encore échangés. Telle fut la fin de ce lamentable essai que la spéculation, les émissions trop fréquentes et trop considérables devaient amener fatalement. . Billets de banque à cours forcé. Le billet de banque, qui n’est dans son essence qu’un effet de commerce payable au porteur et à vue, auquel la loi donne parfois le caractère de monnaie légale, devient, lorsqu’il a cours forcé (V. Monnaie, Circulation, Billet de Banque), c’est-à-dire lorsque rétablissement qui l’a émis est dispensé de le rembourser en espèces, un véritable papiermonnaie. Nous allons en donner quelques exemples pris parmi les plus frappants. Ce fut sous la régence du duc d’Orléans, en