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le pain, disparurent à leur tour. Une vaste ligue s’était formée sous la direction de Cobden (voy. ce mot), Bright, Fox,Wilson, etc. , pour délivrer le pays de ce code de la famine, comme l’appelaient les orateurs des immenses meetings qui soulevèrent alors l’opinion publique en Angleterre : « Voyez, disaient-ils, cette femme, entourée de son mari et de ses enfants, qui vient de chercher les deux pains nécessaires à leur nourriture : elle n’en rapporte qu’un seul : le fisc a pris l’autre. » Robert Peel subit l’ascendant de cette agitation passionnée que l’amour du bien public inspirait ; sur sa proposition, après de violents débats dans les deux Chambres, les droits protecteurs qui renchérissaient le prix du pain disparurent définitivement le 26 juin 1846.

Aujourd’hui , aucun impôt sur les objets de première nécessité n’existe plus en Angleterre, à moins de comprendre dans cette catégorie les droits sur le thé et sur la bière. En dehors de là, toutes les denrées désignées en dernier lieu, le pain, la viande, le sel, etc., même le sucre en plus, sont exempts de toute taxe, La devise du déjeuner franc d’impôt règne, à peu de choses près, en toute vérité chez nos voisins *.

Malgré le nombre des révolutions que nous avons subies, aucune d’entre elles encore n’a revêtu un tel caractère en France. Dernièrement, au contraire, les lois de 1885, 1887 et 1889 ont inauguré de nouvelles taxes de douanes sur les céréales, la farine et les bestiaux, c’est-à-dire sur le pain et la viande. L’impôt sur le sel subsiste toujours et les octrois continuent à imposer la viande, les conserves, les œufs, le beurre, les poissons, etc.

Cependant, comme nous l’avons dit déjà, l’impôt sur le sel a été réduit depuis 1848 au tiers de son ancien tarif, la farine a été exclue des denrées assujetties aux droits d’octroi et, chose remarquable, après les . Le chancelier de l’Échiquier exposait il y a quelques années, dans de curieux tableaux, comment la situation des consommateurs, comparée à celle des propriétaires, avait été dans son ensemble, qu’il s’agît ou non d’objets de première nécessité, progres^sment et sagement améliorée : Impôts Impôts

sur les consommations. sur la propriété. -59 j*,74l,00OLiv.st. 13,209,000 Liv. st. -69......... 41,123,000 16,473,000 -76 45,307,000 13,170,000

-86 44,326,000 20,684,080

(Exposé budgétaire du 30 avril 1885, par M. Childers, chancelier de l’Echiquier.)

Ainsi, tandis que le chiffre des impôts sur les consommations, malgré la progression normale de leur rendement, demeure à peu près stationnaire de 185S-59 à 1885-1886 (l’augmentation effective ne dépasse pas 11 1/i p. 100), le chiffre des impôts sur la propriété, dans le coure de la même période, s’élève au contraire de 56 p. 100. malheurs de 1870-1871, lorsqu’il s’est agi de créer plus de 750 millions de taxes nouvelles, aucune d’elles n’a porté sur des objets de première nécessité. Le ministre des finances a pu très justement alors s’en glorifier : « Notre système a été de ne mettre aucun droit sur l’alimentation de l’homme, de faire en sorte qu’il se procure les choses indispensables à sa nourriture, le pain, la viande,, le sel, sans aucune augmentation de prix, du fait de l’impôt... Toutes les fois que nous nous sommes trouvés en présence d’un impôt de capitation frappant autant l’homme pauvre que l’homme riche dans ses besoins essentiels, indispensables, nous l’avons rejeté. » (Discours du ministre des finances 18 janvier 1872.)

La France s’est donc associée, dans une certaine mesure, à la tendance générale signalée plus haut, qui entraîne tous les pays modernes à dégrever les objets de première nécessité. Mais elle n’a marché dans cette voie que très timidement et trop souvent, elle a reculé, au lieu d’avancer. Actuellement son budget, tant général que local, contient environ 160 millions de taxes assises sur des objets de première nécessité 1 . Et ce n’est malheureusement encore là qu’une apparence trompeuse ; le véritable chiffre, s’il était possible de le déterminer, aboutirait à un total beaucoup plus effrayant, car il doit être majoré de toutes les augmentations de prix provoquées à l’intérieur par l’influence des droits protecteurs, établis à la frontière précisément en vue de ce renchérissement universel 2 .

En résumé, lorsque l’autorité investie du pouvoir d’établir les taxes veut envisager la. matière imposable dans son ensemble, soit pour la pressurer davantage, soit pour en mieux distribuer les charges, deux groupes distincts s’offrent successivement à ses regards.

D’abord, les propriétés ostensibles réparties sur la surface du pays, terres, prés, . Les 160 millions de recettes du budget de l’État et des budgets locaux, en France, provenant des taies assises sur les consommations de première nécessité, se décomposent ainsi :

Droits sur le sel 32,500,000 fr.

— les céréales 68,000,000

— les bestiaux 5,500,000

Droits d’octroi sur la viande, la charcuterie, le beurre, les œufs, les poissons, etc., par évaluation 55,000,000

— i

Total 160,000,000 fr.

. Nous ne faisons que signaler, en terminant, cet effet bien connu de la répercussion à l’intérieur des taxes douar nières. D’autres articles de ce Dictionnaire traitent la matière avec plus de compétence. Voir les mots CébjSalis, Ûouatîes, Incidence, Liberté des échanges.