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PATRONAGE

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PATRONAGE

tes dans leur intérêt, avec les sacrifices du patron et non comme un moyen de gain et de spéculation, ce qu’ils croient volontiers, car l’hostilité dont on les anime à l’égard des chefs d’industrie est telle qu’elle leur fait regarder même les institutions de bienfaisance fondées par le patron comme des moyens imaginés par lui pour gagner sur son personnel. Cette conviction, pour extraordinaire qu’elle soit, est si forte qu’elle ne cède que devant une vue continuelle des comptes et de la marche de l’entreprise. La présence des ouvriers a donc cette première utilité ; elle en a d’autres encore, c’est de faire leur éducation économique, de les intéresser à l’entreprise et de les amener à s’en faire les propagateurs auprès de leurs camarades, joint à ce que le patron se trouve aussi fort soulagé, car il ne peut entrer dans tous les détails, ni veiller à tout et quand ses ouvriers ont pris intérêt à la conduite de l’institution, il trouve en eux de bons auxiliaires. Quelles sont donc les institutions patronales de cette seconde sorte ? Ce sont d’abord les :

/".Institutions de secours et de prévoyance.

— Sans doute le patron est tenu, même par la loi, de réparer les accidents qui arrivent dans ses ateliers et par sa faute, c’est-à-dire par l’imprudence de ceux qu’il a sous ses

ordres ou par suite d’un matériel défectueux, 

>mais il n’est point tenu des accidents arrivés s par force majeure ou par l’imprudence de la victime ; il ne doit rien non plus en cas de maladie. Quel secours aura l’ouvrier blessé ou malade et comment subviendra-t-il à ses besoins et à ceux de sa famille ? Les grandes compagnies ont des médecins qu’elles rétribuent et qui donnent leurs soins aux ouvriers de la maison à titre gratuit ; elles ont même des infirmeries et des hôpitaux ; mais de grandes maisons peuvent seules faire une telle dépense, le plus grand nombre des ouvriers doit chercher ailleurs un secours contre ces accidents de maladie et de blessures si fréquents dans la vie. Ils les trouvent dans les sociétés de secours mutuels (V. Mutualité) qui, moyennant une cotisation périodique assez faible, fournissent aux sociétaires malades des secours médicaux et une allocation quotidienne en argent. Mais parce que ces sociétés ne se soutiennent que difficilement si elles ne sont aidées par des membres honoraires, c’est-à-dire par des hommes de bon vouloir, qui payent les cotisations ou font des dons, sans avoir droit aux secours, et qui prêtent en outre à la société le concours de leur activité personnelle, la présence du patron dans la société fondée parmi les ouvriers de son usine a une double utilité. Le patron ajoute par ses subsides à l’insuffisance des ressources et il contribue par ses connaissances et ses conseils àassurer la bonne conduite de la société. Son concours pécuniaire est surtout utile si la société, ne se bornant pas à des secours temporaires aux blessés et aux malades, veut donner des pensions soit à ses membres soit à leurs veuves et à leurs enfants. Ces pensions de retraite si utiles, qui sont une des causes de l’avidité avec laquelle on recherche les fonctions publiques, sont procurées aux particuliers non fonctionnaires, moyennant des versements périodiques, ou par la Gatese des retraites pour la vieillesse, établissement officiel ou par diverses compagnies privées d’assurance. Il se trouve même des sociétés de secours mutuels assez munies de ressources pour en promettre à leurs membres. Les ouvriers et employés peuvent donc y prétendre et cependant le nombre de ceux qui en profitent est petit. Cela vient de ce que trop d’entre eux sont insoucieux de l’avenir et ignorent les moyens de se procurer un si sensible avantage. Le patron intervient pour leur montrer les bienfaits de l’institution et pour les déterminer en prenant sa part des versements. La manière de procéder est ici, on le conçoit, essentiellement variable ; certains patrons font, au nom de ceux qu’ils occupent, des versements en rapport avec leurs bénéfices annuels, d’autres doublent les cotisations de leur personnel ; les uns n’accordent cet avantage qu’aux ouvriers ou employés qui ont déjà une certaine ancienneté, d’autres le concèdent à tous, d’autres enfin, sans rien demander à ceux qu’ils emploient, leur assurent des pensions de retraite après un certain nombre d’années de services. Et il ne faut pas croire que cette pratique soit très exceptionnelle ; dans les houillères, par exemple, sur 111 317 ouvriers qu’employait cette industrie en 1884, 109 237 profitaient des caisses de retraite établies par les compagnies et parmi ces compagnies qui agissaient avec une telle libéralité et ajoutaient ainsi au salaire dont le versement était leur seule obligation, plusieurs ne distribuaient à leurs actionnaires aucun dividende. D’autre part, le chiffre des pensions ainsi attribuées est loin, en beaucoup de cas, de mériter le reproche qu’on leur fait volontiers d’être illusoire et d’avoir les proportions d’une aumône. Dans la maison Barbas et C Le , de Paris, où les versements sont mixtes, c’est-à-dire faits à la fois par les patrons et par les ouvriers, ces derniers arrivent, en travaillant dans la maison depuis dix-huit ans jusqu’à cinquante, à se faire une rente annuelle de 805 francs à capital réservé et de 1068 francs