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PÊCHE

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PÊCHE

faite en 1860, on résolut d’appliquer en Angleterre les principes qu’une loi de i842 avait établis en Irlande et qui avaient donné en ce pays d’excellents résultats. (The Salmon fishary, art. 24835, Vie. C, 109.) En Belgique, la pêche fluviale est régie par la nouvelle loi du 19 janvier 1883 et les arrêtés royaux du 20 janvier 1883 et du 20 octobre 1885.

En Suisse, la pêche est réglementée par la loi fédérale du 21 décembre 1888, complétée par celle du 3 juin 1890.

En Prusse, la législation s’est améliorée par Les lois de 1 874 et 1880. Si depuis 1829 notre législation est restée stationnaire, l’Angleterre, la Suisse, la Belgique, la Prusse, ont sans cesse amélioré leurs lois, augmenté leur production d’une façon telle que l’excédent de cette production s’est déversé sur notre pays en y faisant entrer 29 550700 kilogrammes de poisson d’eau douce frais, de 1880 à 1889. Il nous semble inutile de déduire les résultats de cette importation en France dont le sol est pourtant arrosé par le plus remarquable ensemble de fleuves et de rivières du monde entier. Ces magnifiques eaux devraient non seulement suffire aux besoins de ses habitants, mais rendre le poisson d’eau douce, qui est un des aliments les plus sains et les plus nourrissants, accessible par son bon marché aux classes pauvres que son prix élevé ne leur permet pas de faire entrer dans leur consommation.

Il est indispensable que l’exploitation des ressources naturelles d’un pays soit réglementée, que les eaux de ces fleuves, de ces lacs, de ces côtes soient cultivées avec méthode et que surtout ses lois et ses règlements se modifient, lorsque les moyens de transport se transforment. Nous avons surabondamment prouvé que les pays voisins ont depuis longtemps opéré ces transformations. Et si nos regards se dirigent vers l’extrême Orient, nous voyons la culture du poisson atteindre en Chine son maximum de production et alimenter des millions d’individus. . De l’insuffisance de la surveillance. Les enquêtes sénatoriales (en 1880), les différentes commissions qui ont été formées depuis au ministère des travaux publics et au ministère de la marine ont été unanimes à affirmer que le nombre des agents de surveillance était d’une notoire insuffisance. « Sur cette question si grave (dit M. le sénateur George dans le résumé de l’Enquête faite par la commission composée de vingt sénateurs, dont il était le secrétaire) et sans la solution préalable de laquelle aucune amélioration sérieuse n’est possible, nous n’avons pas seulement l’opinion des conseils gêné-’ raux, des sociétés agricoles de toutes sortes, des pêcheurs, des pisciculteurs qui sont tous unanimes dans leurs plaintes, nous avons aussi l’opinion de ceux même qui sont chargés du service de la pêche et de la surveillance des cours d’eau. Nous avons en effet sous les yeux les réponses de plus de cent-vingt ingénieurs des ponts et chaussées. La majorité répond sans hésiter que la surveillance est tout à fait insuffisante, etc. Quelques-uns, comme celui de l’Aisne, par exemple, répondent d’une façon quelque peu ironique que les rivières étant dépeuplées, la surveillance est suffisante pour ce qui reste. » Tel était l’état de dépeuplement en 1880. A cette date, les ingénieurs, les pêcheurs, les fermiers de pêche s’accordaient pour reconnaître qu’il y avait diminution considérable de poisson surtout pour les espèces précieuses, saumons et truites, et il a été unanimement répondu à la dix- huitième question posée aux différents services desponts et chaussées le 28 février 1889, au sujet des mesures proposées pour empêcher un complet dépeuplement : « Augmenter le nombre des gardes-pêche ».

La commission de revision de la législation sur la pêche fluviale, dans son procès-verbal de la séance du 3 juillet 1886, a signalé les mêmes causes de la ruine de nos eaux et a proposé de renoncer au système pratiqué actuellement en France sur les cours d’eau du domaine public qui consiste à amodier la pêche par lots de 2 et 3 kilomètres et pour des durées restreintes.

Il serait facile d’aceumuler les preuves de la gravité de la situation. Il Test également de prouver que l’État s’est préoccupé depuis longtemps du dépeuplement progressif de nos cours d’eau, des causes de ce dépeuplement et des moyens à employer pour le prévenir. Les commissions ont entassé rapports sur rapports, et il est résulté de leurs travaux considérables que les causes étaient généralement connues, signalées, mais que le Trésor ne possédait pas les ressources nécessaires pour mettre à la disposition de l’État les moyens employés par les pays voisins pour rendre à leurs eaux protection et production.

La déduction est logique : c’est en modifiant notre loi de 1829, vieille de plus d’un demi-siècle, c’est en nous rapprochant le plus que nous pourrons des systèmes de législation qui ont rendu l’industrie de la pêche prospère dans les pays limitrophes, que nous combattrons le dépeuplement de nos rivières et l’exportation de nombreux millions de francs à l’étranger.