Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/48

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miler aux autres contributions directes ; on a essayé de s’en servir comme d’un moyen d’atteindre le revenu, on a cherché à en proportionner le montant aux facultés des propriétaires, et les législateurs se sont acharnés et s’acharnent encore à la poursuite d’une péréquation irréalisable dans la pratique, inutile en tous cas et presque toujours nuisible. Belle péréquation, en vérité, celle qui doit avoir pour effet d’attribuer aux uns le capital d’une rente qu’ils n’ont pas acquise et de confisquer aux autres une partie de leur fortune !

Nous allons rendre compte de ces diverses tentatives, mais, afin d’en mieux saisir le néant, rappelons d’abord de quoi se compose le revenu du propriétaire.

Il faut distinguer trois parts dans la distribution des produits du sol. L’agriculteur reçoit le prix de son travail sous la forme d’un salaire dont la quotité est réglée, en vertu de la loi d’équilibre, par les salaires des autres industries ; le capitaliste prélève ensuite la rémunération de ses avances, c’est-à-dire un intérêt variable d’après le plus ou moins d’abondance des capitaux ; enfin, le possesseur du champ retient le surplus. Ce qui est attribué au travail et au capital constitue les frais de la production ; ce qui revient au propriétaire représente le loyer de son fonds, le fermage ou plus exactement la rente (voy. ce mot). Bien entendu, il arrive souvent que la même personne soit à la fois cultivateur, capitaliste et propriétaire ; elle concentre alors le profit entier entre ses mains, mais le principe du partage n’est point modifié pour cela.

Donc, en vertu du monopole perpétuel dont il jouit, le propriétaire conserve du produit de son champ tout ce qui dépasse la somme que le même travail et le même capital pourraient retirer de la même culture dans un terrain moins avantagé, qui rendrait juste de quoi subvenir aux frais d’exploitation. Si l’État mettait une taxe sur ce dernier terrain, il est évident que la culture y cesserait aussitôt, puisque les produits ne couvriraient plus les frais ; il est par suite évident que l’impôt foncier ne grève pas la culture et qu’il retombe de tout son poids sur la rente du sol. L’impôt crée entre l’État et le propriétaire une association pour la jouissance de cette rente ; c’est, en quelque sorte, une partie de la rente elle-même et tant que la terre d’un pays conserve de la valeur, c’est-à-dire tant qu’elle reste susceptible de donner une rente, la production agricole n’en est pas affectée. Le propriétaire seul est atteint, reste maintenant à savoir comment.

Nous l’avons déjà dit. Lorsqu’on établit ou qu’on élève l’impôt foncier d’un pays, on diminue la valeur vénale de la propriété et le propriétaire contemporain de l’aggravation de taxe perd, non seulement la jouissance d’une fraction de la rente, mais encore une partie de son avoir correspondante au capital de cette fraction. On ne pourrait empêcher un tel résultat qu’en frappant d’une taxe équivalente tous les capitaux sans aucune exception, quelle qu’en soit la nature, quel qu’en soit l’emploi : problème vraiment insoluble. Cette sorte de confiscation n’agit pas toujours, à la vérité, avec une rigueur mathématique ; bien des considérations peuvent en atténuer ou en retarder le plein effet ; acheteurs et vendeurs peuvent escompter, par exemple, l’éventualité possible d’un nouveau remaniement de l’impôt, mais l’expérience n’en reste pas moins acquise que le prix de la terre diminue à chaque augmentation appréciable de la taxe. Au début de la civilisation, quand il n’était pas perçu en nature, l’impôt varia seulement en raison de l’étendue, sans avoir égard à la qualité du terrain. Un peu plus tard, on divisa les terres en deux ou trois catégories d’après leur usage et l’on appliqua à chaque classe un droit uniforme par unité de mesure. Procédés imparfaits qui ne tenaient pas compte de la fertilité relative des terres imposées et qui ne rapportaient que de faibles redevances. Une autre forme d’imposition, en usage également chez les peuples primitifs, consiste à mettre une taxe sur les charrues, les têtes de bétail, les arbres fruitiers ; dans ce cas, l’impôt n’est pas assis sur le sol ; il frappe le cultivateur plutôt que le propriétaire et se rapproche de la patente. C’est d’ailleurs une forme rarement employée.

La méthode de beaucoup la plus répandue pendant l’antiquité et le moyen âge a été la mainmise de TEtat sur une portion de la récolte elle-même. La dîme — car tel est le nom du système — subsiste encore chez la plupart des nations orientales à cause de la simplicité de son assiette et de son recouvrement. L’État s’attribue, tantôt le vingtième, tantôt le dixième, le huitième ou le septième des fruits de la terre. Au moment de la moisson, il envoie ses collecteurs parcourir les campagnes et prélever la part du Trésor ; nul ne doit rentrer son bien avant que l’agent du fisc soit passé. C’est une méthode, simple, patriarcale en quelque sorte, dont les inconvénients sont supportables dans les contrées pauvres, arriérées, où le paysan borne son labeur à gratter la terre pour y enfouir la semence. Mais qu’au contraire, un