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libre carrière, car il constitue toujours une privation de jouissance. Il peut restreindre la richesse.

Sans doute la France possède une riche et fructueuse taxation dans le tabac ; mais afin de la porter au maximum de rendement, elle a réduit la culture du tabac en France. Peutêtre perd-elle plus qu’elle ne gagne. Avec le monopole de l’alcool, elle compromettrait l’une de ses plus belles clientèles. . Octrois.

L’octroi est un très ancien impôt : on le rencontre dans l’ancienne Egypte, à Athènes, à Rome, sous l’empire romain, au moyen âge (V. Octroi, I re partie). Il s’est facilement perpétué ; il est commode et, dans les climats où la nourriture est facile, où le combustible n’est pas une forte dépense, où la nature fait beaucoup, on l’accepte volontiers, comme en Espagne et en Italie. Il y figure parmi les plus importantes ressources de l’État. En France, il n’est plus qu’une ressource locale. Les peuples du Nord, qui aiment à voir clair dans l’impôt, y sont, rebelles ; leurs villes n’en sont ni moins riches, ni moins grandes, ni moins propres, ni moins belles. Les effets des octrois et leur incidence se règlent d’après les mêmes principes que l’incidence des taxes de consommation. A Paris, sur 145 millions en 1882, si Ton retranche 20 millions pour les alcools, quelques comestibles ou boissons, on fait grande la part du luxe ; 125 millions doivent être compris parmi les taxes de consommation levées sur les objets nécessaires à la vie.

En 1883, pour la France entière, les 261 millions produits par les octrois se sontrépartis : vins 72 millions, cidres o millions, alcools 22 millions, huiles 6 800 000, combustibles 77 700000, liquides divers 18 millions, comestibles 29 millions, matériaux 31 millions, fourrages 15 millions, objets divers 7 millions. Tout au plus, peut-on évaluer à 53 millions, les droits afférents aux objets de luxe. . Droits de douane.

° Observations générales. — Les droits de douanes doivent également, en ce qui concerne l’incidence, être répartis en plusieurs catégories : objets de consommation (aliments ou boissons) nécessaires à la vie — objets de consommation (de luxe), — matières premières, — produits fabriqués — les uns sont nécessaires, les autres ne sont pas ^nécessaires à la vie.

En principe, les effets et l’incidence des droits de douanes sont les mêmes que dans le cas des taxes intérieures de consommation, en ce qui concerne l’impôt même ; ils ont ce-C 2 — INCIDENCE DE L’IMPOT

pendant d’autres effets, avec la même incidence ; c’est d’enchérir les objets de même nature qui se trouvent à l’intérieur. Il ne saurait y avoir deux prix sur le même marché pour deux produits similaires. L’objet grevé du droit fait le prix ; il en résulte que le consommateur paye l’impôt à l’État pour les objets importés et aux producteurs pour les objets similaires de l’intérieur. Les taxes douanières sont, par suite, des causes d’enchérissement et des moyens de modifier la distribution de la richesse, puisqu’elles peuvent favoriser les producteurs aux dépens des consommateurs, et telle catégorie de producteurs aux dépens des autres. Elles sont le fondement et l’arme du système protecteur. Elles conduisent nécessairement au système protecteur. C’est ce qui a eu lieu en France en 1816 et en 1871.

Nous avons déjà insisté sur la part que les protectionnistes avaient prise dans la constitution et la discussion de la théorie de l’incidence des droits de douane et de leur récupération. Les règles d’incidence sont les mêmes sur les droits d’octroi, seulement le fardeau à porter est bien différent. Le droit d’octroi sur le charbon, à Paris, n’enchérit le charbon qu’à Paris ; le droit d’entrée des charbons en France élève le prix de tous les charbons ; le droit d’entrée du bétail à Paris n’augmente le prix du bétail qu’à Paris ; le droit à l’importation des moutons en France hausse le prix de tous les moutons. ° Aliments et boissons nécessaires à lame, — La plupart des États ont renoncé à lever des droits intérieurs sur la plupart des aliments nécessaires à la vie, notamment le blé, les céréales, les farines, le pain, la viande ; ils ne lèvent sur ces produits que des taxes douanières ; quelques-uns, comme l’Angleterre, n’ont aucune taxe douanière sur ces mêmes objets.

La lutte qui a précédé, en Angleterre, l’abolition des taxes sur les céréales, marque une époque décisive dans son histoire. A qui a profité cette abolition ? Principalement aux classes laborieuses, dont les salaires ont augmenté sensiblement. Ce mouvement a prouvé qu’elles subissaient en grande partie les droits de douane, sans récupération. Réciproquement, les classes ouvrières les supportent dans les autres États.

° Aliments et boissons non nécessaires à la me. — L’incidence est la même que pour les taxes intérieures, mais elles aggravent le poids de l’impôt en le généralisant. ° Matières premières. — Les droits de douane sur les matières premières retombent sur le consommateur du produit fabriqué ou de la matière elle-même. C’est le cas pour le