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Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/75

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d’hui revenu de cette erreur. Même quand il se borne à transformer des matières premières, à transporter des produits ou à les mettre à la disposition des consommateurs, l’homme, s’il agit d’une façon rationnelle, ■crée, grâce au concours des forces naturelles, plus d’utilité qu’il n’en consomme et, par conséquent, produit une plus-value. Pour les manufactures et pour l’industrie des transports, cette vérité est si évidente qu’il est inutile d’y insister. Pour l’industrie commerciale elle est plus cachée, mais non moins «ertaine. Quand il conserve le produit, le préserve des détériorations, le pare pour la Tente, le commerçant se sert incontestablement de forces naturelles au moyen desquelles l’effet de son travail est accru ; il en est encore de même, malgré les apparences, lorsqu’il pratique rechange. La force naturelle qui agit alors est en nous-même : elle s’appelle le besoin et c’est parce qu’il a su le deviner et en préparer la satisfaction que le commerçant ajoute à Y utilité des choses et produit ainsi plus qu’il n’a consommé pour obtenir ce résultat. Dès lors, il n’y a aucune raison pour distinguer entre les industries et admettre cette étrange conception d’industries qui ne produiraient pas.

Cependant, de nos jours encore, quelques économistes refusent le caractère productif à l’industrie du commerce et à celle des transports. Mettre la marchandise à la disposition du consommateur, ou la transporter d’un lieu dans un autre, disent-ils, ce n’est pas la transformer. Ils se trompent, car il y a, en pareil cas, transformation de la chose par rapport à l’homme, transformation subjective si Ton veut. La chose qui est à notre disposition, n’est pas pour nous la même que celle qui est loin de nous, car elle présente à un plus haut degré l’avantage de nous être utile. Ceux qui refusent le caractère productif aux industries du commerce et des transports devraient d’ailleurs, en bonne logique, le refuser aussi aux industries extractives. Ils ne le font pas, parce que ce serait absurde, et pourtant l’ouvrier qui extrait la houille de la mine ne lui fait subir aucune métamorphose, il la déplace seulement, l’arrachant au sol pour l’amener au dehors. Toutes les industries sont donc productives de richesses. 11 est seulement vrai que, à raison des liens de dépendance qui les unissent, elles n’ont pas toutes une importance égale. Les industries extractives et l’agriculture en ont une exceptionnelle parce qu’elles sont indispensables à l’existence des autres. Elles fournissent les matières premières qui servent à toute production. Sans elles la vie -serait impossible.

— INDUSTRIE 

Les industries manufacturières, qui transforment ce que leur livrent les précédentes, ne viennent qu’en second ordre. À l’extrême rigueur, bien que ce soit difficile à concevoir, l’homme pourrait vivre sans elles, mais il vivrait seulement, il ne se développerait pas. En réalité, les progrès de la civilisation les ont rendues indispensables. Nous leur devons, d’abord, une préparation des objets de première nécessité dont l’habitude nous a mis dans l’impossibilité de nous passer, puis la satisfaction des besoins de bien-être et tous les raffinements du luxe.

Viennent enfin les industries du commerce et des transports. Si considérables que soient les services qu’elles nous rendent, ils sont moins essentiels que ceux des trois premiers groupes d’industries. Un retard dans leur développement n’empêcherait pas nécessairement la civilisation d’atteindre un degré très élevé. Privée de leur intermédiaire, la production serait entravée, mais non pas rendue impossible. Elles permettent, en un mot, de perfectionner l’organisation du travail ; elles ne sont pas absolument indispensables à cette organisation.

. Les inventions et la production en grand. Leur influence sur la productivité des diverses industries.

Nous avons précédemment signalé, comme influant sur l’organisation de l’industrie, trois causes principales : l’augmentation des besoins, les inventions, les progrès de la liberté économique. De ces trois causes, la seconde est celle qui, au xix e siècle, a agi avec le plus de force. L’augmentation des besoins a été considérable sans doute, mais, largement compensée par la mise en exploitation de terrains vierges, elle a eu plutôt pour effet d’encourager aune expansion graduelle de l’industrie sur la surface du globe que d’en accroître l’intensité. La liberté du travail et celle de l’appropriation, définitivement consacrées par la Révolution, ont eu de très heureux résultats, mais nécessairement limités par l’état des connaissances humaines. C’est donc surtout à l’invention des machines et aux conséquences directes ou indirectes de cette invention qu’est due la rénovation industrielle dont notre siècle a été témoin.

L’invention des machines a produit un double effet.

Elle a d’abord mis entre les mains des hommes des instruments d’une puissance incomparable et augmenté, parla, d’une façon directe, leur force productrice. On a souvent comparé la* machine à un esclave travaillant à la place de l’homme, sous sa di-