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Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/78

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de chemin de fer n’est pas obligée de décupler le nombre de ses locomotives pour transporter dix fois plus de marchandises. Les industries manufacturières, des transports et du commerce, en un mot, obéissent à une loi bienfaisante : la loi du rendement -plus que proportionnel. L’équilibre nécessaire entre l’augmentation des besoins et celle de la production n’y sera donc pas mise en péril.

° Mais ces industries, nous le savons, ne se suffisent pas à elles-mêmes. Si les matières premières venaient à manquer, à quoi nous servirait le développement des industries qui les transforment et les font circuler ?

Sans doute on -pourrait profiter de l’économie 

réalisée sur ces dernières pour consacrer plus de bras et de capitaux aux industries extractives et agricole. Mais, ceci fait, l’obstacle reparaîtrait bientôt et, la population continuant de croître, la décadence commencerait.

Heureusement, nous n’en sommes pas là. Pour les industries extractives, les limites à l’accroissement de la production resteront, pendant des siècles, à l’état purement théorique. Nous sommes bien loin d’avoir entamé l’exploitation de toutes les mines et de tous les gisements que le sol renferme. Ces réserves, mises à notre disposition à mesure que la civilisation se répandra sur tous les points du globe, nous fourniront aisément les suppléments de rendement nécessaires.

Il en est de même pour l’agriculture, bien qu’à un moindre degré. Sans doute, on peut, dès aujourd’hui, entrevoir une époque où tout le sol arable sera occupé et exploité. Mais elle est encore lointaine, de grandes quantités de terre subsistant en Amérique, en Asie, en Afrique, en Océanie, à l’état de terres vierges. Il s’en faut bien, en outre* que même dans les pays les plus avancés, toutes les terres soient cultivées comme elles pourraient l’être (V. Agriculture). En France, par exemple, on calcule que, si tout le sol était traité par les procédés les plus perfectionnés de la culture intensive, c’est plus de 80 millions d’habitants que notre agriculture pourrait nourrir.

Pourtant, un jour viendra peut-être ou les limites que nous pouvons actuellement entrevoir seront atteintes, toutes les terres étant cultivées et les perfectionnements aujourd’hui connus ayant reçu leur pleine application. Seules, de nouvelles découvertes, de nouvelles inventions pourront alors permettre à l’humanité de continuer sa marche en avant.

INDUSTRIE

. Comparaison entre l’agriculture et les industries urbaines.

Il n’est pas rare, avons-nous dit, que, négligeant la classification régulière et détaillée des industries d’après leur rôle et leur mode de développement, on se contente d’opposer Tune d’elles, que l’on désigne alors sous le nom d’agriculture, à l’ensemble de toutes les autres auquel on applique celui d’industrie. Ce n’est pas là seulement une habitude du langage courant ; les économistes, dans leurs écrits, ont souvent adopté cette façon de s’exprimer. C’est qu’en effet l’agriculture se distingue nettement, à divers points de vue, des autres branches de la production, tandis que ces dernières offrent des caractères communs qui permettent de les grouper pour en faire l’un des termes d’une utile comparaison. L’histoire nous montre d’abord l’agriculture absorbant, dès qu’elle commence à se constituer, toutes les autres industries, ou plutôt les groupant autour d’elles, comme des accessoires autour d’un objet principal. Les premières sociétés régulières sont essentiellement agricoles, agglomérations de familles établies sur les champs qu’elles cultivent. La fabrication des tissus, des armes, des ornements s’exécute au sein même des exploitations rurales, par les mains de ceux qui cultivent la terre et dans les intervalles de repos que leur laissent les travaux des champs. Plus tard, il n’en est plus de même ; des villes se sont formées où les industries manufacturières, du commerce, c.es transports sont seuls cultivées ; mais, dans les campagnes, la confusion des induslries continue à régner pendant longtemps encore. C’est peu à peu qu’un départ définitif des fonctions s’établit : les agriculteurs sont enfin amenés à se vouer uniquement aux travaux des champs, tous les travaux qui transforment ou font circuler la richesse, ou à peu près tous, faisant désormais l’objet de professions spéciales qui suffisent à absorber l’activité de ceux qui s’y livrent. Ce n’est là qu’une des phases, d’ailleurs la plus importante, de la spécialisation des professions, de la division du travail industriel (voy. ce mot) dont nous avons parlé plus haut(§ 2). Aussi a-t-elle pour cause les mêmes faits que nous avons déjà signalés : l’augmentation de la population et l’accroissement général des besoins, les découvertes et inventions, et les progrès de la liberté individuelle.

Or, comme il .arrive presque toujours pour les phénomènes sociaux, l’effet s’affirme cause à son tour. Produite, en somme, par le mouvement de la civilisation, la sépara-