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CONSIDERATIONS GENERALES. 43

Personne, je le répète, n’est en droit de se prévaloir de l’autorité des faits à moins d’être en état de les rattacher à leurs véritables causes, et de mon- trer la liaison qu’ils ont avec les conséquences qu’on leur attribue. Si vous ne remplissez pas ces conditions indispensables, si vous ne connaissez pas les autres faits que l’on peut opposer aux premiers, si vous ne pesez pas leurs influences, qu’importent au public vos opinions ? Elles manquent d’un fondement nécessaire. Déjà de son temps Montesquieu se plaignait de ces doctrines qui n’avaient d’autres bases que la facilité déparier et l’impuis- sance d’examiner ’. Les preuves dont on les appuie ont la même force que celles dontCasti se moque avec tant de finesse, dans son poème célèbre des Animaux par lans

Je ne prétends pas au reste que l’on ne puisse écrire sur l’économie po- litique, sans rappeler à son lecteur la totalité des principes sur lesquels cette science se fonde. Une question peut être débattue, une mesure atta- quée ou défendue , sans qu’il soit nécessaire d’appeler à son aide toutes les vérités prouvées ^ mais il faut les connaître , il faut pouvoir apprécier le degré de leur importance. S’il en est une seule que vous n’ayez pas approfondie, ce peut être celle-là qui décide la question. Vous posez un principe^ mais si avant tout il n’est pas solidement établi, s’il ne se lie pas avec tous les autres , il ne saurait vous prêter aucun appui : ce n’est plus qu’un principe arbitraire, un principe de circonstance qui n’est d’au- cune autorité.

Il ne faut pas de longs raisonnemens pour faire sentir le tort que font à l’économie politique les écrivains qui sont animés de tout autres motifs que l’amour de la vérité. Si même de bonne foi on nuit au progrès des lu- mières , qu’est-ce donc lorsqu’on s’y oppose à dessein , lorsqu’on emploie son esprit, et, à défaut d’esprit, son encre, son papier et ses poumons , à tourner des argumens propres à favoriser des vues personnelles ou à dé-

  • Esprit des Lois, liv. 23, chap. 11.
  • Lorsqu’il dit que, par un bonlieur spécial tenant au gouvernement mo-

narchique , le prince , aussitôt qu’il est à la tête des affaires, quelque igno- rant et hébété qu’il ait été jusque-là, devient aussitôt un miracle de sagesse et de savoir. Tous les talens et toutes les vertus lui sont aussitôt conférées par le ciel ; et il donne pour preuve le témoignage des courtisans : « Ne sont- » ils pas en effet, dit le satirique, ceux qui doivent, mieux que qui que ce » soit, connaître le monarque, puisque ce sent eux qui l’approchenl de plus » près ? »