Page:Say - De l’Angleterre et des Anglais.djvu/21

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par les contributions de l’année. Le reste a été procuré par des emprunts et des anticipations. En d’autres termes, environ 1 milliard 700 millions de notre monnaie, ont été levés sur les revenus, ou, si l’on veut, sur les profits annuels de la nation anglaise ; et 1 milliard sur ses capitaux ou ses épargnes[1] ; et cela, indépendamment des contributions qu’elle paie pour les dépenses locales, pour le culte et pour les pauvres qui se montent, comme on sait, à des sommes considérables. Tellement, qu’on ne s’éloignerait peut-être guère de la vérité, en annonçant que le Gouvernement consomme la moitié des revenus qu’enfantent le sol, les capitaux et l’industrie du peuple anglais[2].

  1. Colquhoun, ut suprà.
  2. Rien n’est plus difficile à évaluer que les revenus généraux d’une nation. Si sa population n’est jamais exactement connue, le revenu de chaque personne qu’on peut déguiser plus aisément et qu’on a tant d’intérêt à cacher pour se soustraire au fardeau des charges publiques, est encore plus difficile à connaître. La taxe sur les revenus en Angleterre peut cependant fournir quelques bases. À la vérité la loi accorde un dégrèvement à ceux qui gagnent au-dessous de 150 liv. st. par année, et une exemption complète à ceux qui gagnent moins de 50 liv. st. On peut supposer en outre qu’un grand nombre de gens ont déclaré leur revenu moindre qu’il n’était ; mais aussi il y en a beaucoup qui ont pu difficilement s’écarter de là vérité, tels que les propriétaires fonciers, les rentiers et les fonctionnaires de tous les ordres ; et il y en a beaucoup aussi qui soit par pudeur, soit par vanité, soit dans la vue de soutenir un crédit chancelant, ont déclaré un revenu égal ou supérieur à la vérité.

    Or dans une année moyenne sur les trois années qui Ont fini le 5 janvier 1813, la taxe sur les revenus a produit 13 millions 281 mille livres st. et comme cette taxe est du dixième du revenu présumé, elle indiquerait pour le total des revenus de la Grande-Bretagne une somme de 132 millions 810 mille liv. st. Colquhoun les évalue beaucoup plus haut. Mais ses bases sont tout-à-fait vagues et exagérées. Admettons néanmoins qu’ils s’élèvent à 224 millions st. (plus de cinq milliards de France). Cela ne fait encore que le double du montant des consommations du gouvernement qui s’élèvent à 112 millions st. ainsi que nous venons de le voir. Les rentiers doivent être considérés comme des consommateurs agens du gouvernement ; d’ailleurs, si on disfrayait leurs consommations de la somme des consommations du gouvernement, il faudrait distraire leurs revenus de la somme des revenus des particuliers, ce qui reviendrait au-même. Il demeure donc démontré que le peuple anglais ne jouit que de la moitié de ses produits ; que chaque famille est obligée de produire une valeur double de ce qu’il lui est permis de consacrer à ses besoins. Jamais une nation, et surtout une nation éclairée, n’a été exploitée avec autant d’impudence.