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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

On comprendra avec la même facilité que, comme c’est la valeur produite qui a remplacé la valeur consommée, cette valeur produite a pu être moindre, égale, ou supérieure à la valeur consommée. Si elle a été égale, le capital a été seulement rétabli et entretenu ; si elle a été moindre, le capital a été entamé ; et si elle a été supérieure, il y a eu augmentation, accroissement de capital. C’est la position où nous avons laissé l’entrepreneur-cultivateur qui nous a servi d’exemple au chapitre précédent. Nous avons supposé qu’après avoir rétabli son capital dans son entière valeur, tellement entière, qu’il pouvait recommencer une autre année avec des moyens égaux, ce cultivateur a eu un excédant de ses produits sur ses consommations pour une valeur quelconque, que nous ferons monter à mille écus, pour fixer nos idées.

Observons maintenant tous les emplois qu’il peut faire de cet excédant de mille écus, et ne méprisons point une observation qui paraît si simple : j’avertis qu’il n’en est point qui exerce une aussi grande influence sur le sort des hommes, et point dont les résultats soient plus méconnus.

Quels que soient les produits qui composent cet excédant, dont nous estimons la valeur mille écus, il peut l’échanger contre de la monnaie d’or et d’argent, et l’enfouir dans la terre pour la retrouver au besoin. Cet enfouissement ôte-t-il mille écus à la masse des capitaux de la société ? Non, puisque nous venons de voir que la valeur de son capital a été auparavant rétablie complètement. A-t-il fait tort de cette somme à quelqu’un ? Pas davantage ; car il n’a volé ni dupé personne, et n’a jamais reçu aucune valeur qu’il n’ait donné une valeur égale en échange. On dira peut-être : Il a donné du blé en échange des mille écus enfouis ; ce blé n’a pas tardé à être consommé, et les mille écus n’en demeurent pas moins soustraits au capital de la société. Mais le blé vendu ne fesait plus partie du capital de notre cultivateur, puisqu’il n’était plus sa propriété ; c’était l’argent reçu en échange du blé qui en fesait partie. Le blé devenu la propriété d’une autre personne, peut au surplus faire partie du capital de son nouveau possesseur, si celui-ci le consomme reproductivement ; car on sait que des matières consommables et fugitives peuvent faire partie d’un capital aussi bien que les plus durables, aussi long-temps qu’on les consomme de manière à en reproduire la valeur.

Du moment donc que le capital de notre cultivateur a été rétabli dans son ancienne valeur, et qu’il recommence avec les mêmes moyens qu’auparavant, les mille écus d’excédant qu’il a épargnés, fussent-ils jetés à la mer, le capital social ne serait pas moins égal à ce qu’il était auparavant.