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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

On doit donc non-seulement voir sans jalousie, mais regarder comme une source de prospérité générale, l’enrichissement d’un homme, toutes les fois que son bien, acquis légitimement, s’emploie d’une façon productive. Je dis acquis légitimement, car une fortune fruit de la rapine n’est pas un accroissement de fortune pour l’état ; c’est un bien qui était dans une main et qui a passé dans une autre, sans qu’il mette en jeu plus d’industrie qu’auparavant. Il est même, au contraire, assez commun qu’un capital mal acquis soit mal dépensé.

La faculté d’amasser des capitaux, ou, si l’on veut maintenant, des valeurs, est, ce me semble, une des causes de la très-grande supériorité de l’homme sur les animaux. Les capitaux sont entre ses mains des instrumens pour multiplier ses forces ; tandis que les alimens dont certains animaux font des magasins, ne sont pour eux que des approvisionnemens pour passer une mauvaise saison ; ainsi, en leur supposant même le degré d’intelligence qu’ils n’ont pas, cette intelligence demeurerait à peu près sans effets, faute d’instrumens suffisans pour la mettre en œuvre.

Remarquez en outre qu’il est impossible d’assigner une limite à la puissance qui résulte pour l’homme de la faculté de former des capitaux ; car les capitaux qu’il peut amasser avec le temps, l’épargne et son industrie, n’ont point de bornes.

CHAPITRE XII.

Des capitaux improductifs.

Nous avons vu que les valeurs produites peuvent être consacrées, soit à la satisfaction de ceux qui les ont acquises, soit à une nouvelle production. Elles peuvent encore, après avoir été soustraites à une consommation improductive, n’être pas consacrées à une consommation reproductive, demeurer cachées, enfouies.

Le propriétaire de ces valeurs, après s’être privé, en les épargnant, des jouissances, de la satisfaction que cette consommation lui aurait procurées, se prive encore des profits qu’il pourrait retirer du service productif de son capital épargné. Il prive en même temps l’industrie des profits qu’elle pourrait faire en le mettant en œuvre.

Parmi beaucoup d’autres causes de la misère et de la faiblesse où l’on voit les états soumis à la domination ottomane, on ne peut douter que la