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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

son capital sous une forme absolument improductive, ce n’est pas les méconnaître que de placer une partie de son capital, proportionnée à sa fortune, sous une forme productive d’utilité ou d’agrément. Depuis les meubles grossiers d’un ménage indigent, jusqu’aux ornemens recherchés, aux bijoux éblouissans du riche, il y a une foule de degrés dans la quantité de capitaux que chacun consacre à cet usage. Quand un pays est riche, la famille la plus pauvre y possède un capital de cette espèce, non pas considérable, mais suffisant pour satisfaire des désirs modestes et des besoins peu recherchés. Quelques meubles utiles et agréables qu’on rencontre dans toutes les habitations ordinaires, annoncent par tout pays une bien plus grande masse de richesse, que cet amas d’ameublemens magnifiques et d’ornemens fastueux qui remplissent seulement les palais de quelques hommes à grande fortune, ou que ces diamans et ces parures qui peuvent éblouir lorsqu’on les voit accumulés dans une grande ville, et quelquefois rassemblés presque tous à la fois dans l’enceinte d’un spectacle ou d’une fête ; mais dont la valeur est peu de chose, comparée au mobilier de toute une grande nation.

Les choses qui composent le capital productif d’utilité ou d’agrément, quoiqu’elles s’usent lentement, s’usent néanmoins. Lorsqu’on ne prend pas sur ses revenus annuels de quoi entretenir ce capital, il se dissipe, et la fortune s’altère. Cette observation paraît triviale, et cependant combien de gens croient ne manger que leurs revenus, lorsqu’ils consomment en même temps une partie de leur fonds ! Qu’une famille, par exemple, habite une maison qu’elle aura fait bâtir ; si la maison a coûté cent mille francs à établir, et si elle doit durer cent ans, elle coûte à cette famille, outre les intérêts de cent mille francs, une somme de mille francs par année, puisqu’au bout de cent ans il ne restera rien, ou il ne restera du moins que peu de chose de ce capital de cent mille francs.

Ce même raisonnement peut être appliqué à toute autre partie d’un capital productif d’utilité et d’agrément, à un meuble, à un bijou, à tout ce que la pensée peut ranger sous cette dénomination.

Par la raison contraire, quand on prend sur ses revenus annuels, quelle qu’en soit la source, pour augmenter son capital utile ou agréable, on augmente ses capitaux, sa fortune, quoiqu’on n’augmente pas ses revenus.

Les capitaux de cette sorte se forment, comme tous les autres sans exception, par l’accumulation d’une partie des produits annuels. Il n’y a pas d’autre manière d’avoir des capitaux, que de les accumuler soi-même,