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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

simple ; il faut favoriser le développement des goûts et des besoins qui font naître parmi les populations l’envie de consommer ; de même que, pour favoriser la vente, il faut aider les consommateurs à faire des gains qui les mettent en état d’acheter. Ce sont les besoins généraux et constans d’une nation qui l’excitent à produire, afin de se mettre en pouvoir d’acheter, et qui par là donnent lieu à des consommations constamment renouvelées et favorables au bien-être des familles[1].

Après avoir compris que la demande des produits en général est d’autant plus vive que la production est plus active, vérité constante malgré sa tournure paradoxale, on doit peu se mettre en peine de savoir vers quelle branche d’industrie il est à désirer que la production se dirige. Les produits créés font naître des demandes diverses, déterminées par les mœurs, les besoins, l’état des capitaux, de l’industrie, des agens naturels du pays ; les marchandises les plus demandées sont celles qui présentent, par la concurrence des demandeurs, de plus forts intérêts pour les capitaux qui y sont consacrés, de plus gros profits pour les entrepreneurs, de meilleurs salaires pour les ouvriers ; et ce sont celles-là qui sont produites de préférence.

On voudra savoir peut-être quel serait le terme d’une production croissante et où des produits, chaque jour plus considérables, s’échangeraient constamment les uns contre les autres ; car enfin ce n’est que dans les quantités abstraites qu’il y a des progressions infinies, et dans la pratique la nature des choses met des bornes à tous les excès. Or, c’est l’économie politique pratique que nous étudions ici.

L’expérience ne nous a jamais offert encore l’exemple d’une nation complètement pourvue de tous les produits qu’elle est en état de créer et de consommer ; mais nous pouvons étendre par la pensée à tous les pro-

  1. Une note jointe en cet endroit à la traduction anglaise de ce livre, m’a obligé de développer un peu plus mon idée. Le traducteur me reprochait de jeter de la défaveur sur toute consommation qui n’est pas reproductive ; si je pouvais être entendu ainsi, j’avais mal exprimé ma pensée. Je sais fort bien que l’objet essentiel de la production est de satisfaire les besoins de l’homme ; je voulais seulement ajouter que lorsqu’elle est improductive, elle n’est accompagnée d’aucun autre avantage ; et que par conséquent, si l’on veut lui trouver des avantages, il faut probablement faire naître les besoins. Alors il y a un développement plus grand des facultés de l’homme, plus de capacité pour produire et pour jouir, plus de civilisation, et, comme il serait facile de le prouver, plus de facultés morales et intellectuelles.