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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVII.

CHAPITRE XVII.

Des effets des réglemens de l’administration qui ont pour objet d’influer sur la production.

Il n’est, à vrai dire, aucun acte du gouvernement qui n’exerce quelque influence sur la production ; je me contenterai, dans ce chapitre, de parler de ceux qui ont pour objet spécial d’y influer, me réservant de développer les effets du système monétaire, des emprunts, des impôts, quand je traiterai de ces matières pour elles-mêmes.

L’objet des gouvernemens, en cherchant à influer sur la production, est, ou de déterminer la production de certains produits qu’ils croient plus dignes d’être favorisés que d’autres, ou bien de prescrire des manières de produire qu’ils jugent préférables à d’autres manières. Les résultats de cette double prétention, relativement à la richesse nationale, seront examinés dans les deux premiers paragraphes de ce chapitre. Dans les deux paragraphes suivans, j’appliquerai les mêmes principes à deux cas particuliers, les compagnies privilégiées, et le commerce des grains, à cause de leur grande importance, et afin de fournir de nouvelles preuves et de nouveaux développemens aux principes. Chemin fesant, nous verrons quelles sont les circonstances où des raisons suffisantes semblent commander quelques déviations dans la marche que prescrivent les principes généraux. En administration, les grands maux ne viennent pas des exceptions qu’on croit devoir faire aux règles ; ils viennent des fausses notions qu’on se forme de la nature des choses, et des fausses règles qu’on s’impose en conséquence. Alors on fait le mal en grand, on agit systématiquement de travers ; car il est bon de savoir que nul n’a plus de systèmes que les gens qui se vantent de n’en point avoir[1].

  1. Les personnes qui ont le plus la prétention de ne suivre que des notions pratiques, commencent par poser des principes généraux, et disent, par exemple : Vous devez convenir qu’un particulier ne peut gagner que ce que perd un autre particulier, et qu’un pays ne profite que de ce qui est perdu par un autre. Mais cela même est un système ; et si on le soutient, tout faux qu’il est, c’est parce que ceux qui le soutiennent, loin d’avoir plus de connaissances pratiques que d’autres, sont dans une parfaite ignorance de plusieurs faits qu’il faudrait prendre en considération pour se former une opinion juste. Dans cet exemple-ci, une personne qui saurait ce que c’est que la production, et que de nouvelles richesses peuvent être et sont journellement créées, n’avancerait jamais comme principe une semblable absurdité.