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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

d’assurer à une nation cette balance favorable, il convient de nous former une idée de ce qu’elle est en réalité, et du but qu’elle se propose. Ce sera l’objet de la digression suivante.


disgression
Sur ce qu’on nomme la balance du commerce.


La comparaison que fait une nation de la valeur des marchandises qu’elle vend à l’étranger, avec la valeur des marchandises qu’elle achète de l’étranger, forme ce qu’on appelle la balance de son commerce. Si elle a envoyé au dehors plus de marchandises qu’elle n’en a reçu, on s’imagine qu’elle a un excédant à recevoir en or ou en argent ; on dit que la balance du commerce lui est favorable : dans le cas opposé, on dit que la balance du commerce lui est contraire.

Le système exclusif suppose, d’une part, que le commerce d’une nation est d’autant plus avantageux qu’elle exporte plus de marchandises, qu’elle en importe moins, et qu’elle a un plus fort excédant à recevoir de l’étranger en numéraire ou en métaux précieux ; et, d’une autre part, il suppose que, par le moyen des droits d’entrées, des prohibitions et des primes, un gouvernement peut rendre la balance plus favorable, ou moins contraire à sa nation.

Ce sont ces deux suppositions qu’il s’agit d’examiner ; et d’abord il convient de savoir comment se passent les faits.

Quand un négociant envoie des marchandises à l’étranger, il les y fait vendre, et reçoit de l’acheteur, par les mains de ses correspondans, le montant de la vente en monnaie étrangère. S’il espère pouvoir gagner sur les retours des produits de sa vente, il fait acheter une marchandise à l’étranger, et se la fait adresser. L’opération est à peu près la même quand elle commence par la fin, c’est-à-dire lorsqu’un négociant fait d’abord acheter à l’étranger, et paie ses achats par les marchandises qu’il y envoie.

Ces opérations ne sont pas toujours exécutées pour le compte du même négociant. Celui qui fait l’envoi quelquefois ne veut pas faire l’opération du retour ; alors il fait des traites ou lettres de change sur le correspondant qui a vendu sa marchandise ; il négocie ou vend ces traites à une personne qui les envoie dans l’étranger, où elles servent à acquérir d’autres marchandises que cette dernière personne fait venir[1].

  1. Ce que nous avons supposé d’un négociant, on peut le supposer de deux, de trois, de tous les négocians d’une nation. Leurs opérations, relativement à la balance du commerce, se réduisent toutes à ce que je viens de dire. Si quelques marchés de dupes ou des banqueroutes causent des pertes à quelques-uns des négocians des deux pays, il est présumable que la somme n’en est pas considérable, comparée à la masse des affaires qui se font ; et d’ailleurs les pertes que supporte de cette manière l’un des deux pays se balancent avec les pertes de l’autre.
    Il importe peu pour notre objet de savoir quels sont ceux qui supportent les frais de transport : ordinairement le négociant anglais, qui fait des achats en France, paie les frais de transport de ses marchandises, et le négociant français en fait autant pour les marchandises qu’il achète en Angleterre ; l’un et l’autre sont dédommagés de cette avance par la valeur qu’acquièrent les marchandises au moyen de leur transport.