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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

classe des autres marchandises. Le négociant qui a des retours à attendre de l’étranger, ne considère autre chose que le gain qu’il pourra faire sur ces retours, et ne regarde les métaux précieux qu’il en pourrait recevoir, que comme une marchandise dont il se défera avec plus ou moins de bénéfice ; il ne redoute point, lui, une marchandise parce qu’elle réclamera encore un échange, puisque son métier est de faire des échanges, pourvu qu’ils lui soient profitables.

Un particulier aime encore à recevoir de l’argent plutôt que de la marchandise, parce qu’il sait mieux ainsi la valeur de ce qu’il reçoit ; mais un négociant, qui connaît le prix-courant des marchandises dans les principales villes du monde, ne se méprend pas sur la valeur qu’on lui paie, quelle que soit la forme matérielle sous laquelle on lui présente cette valeur.

Un particulier peut être appelé à liquider sa fortune pour lui donner une autre direction, pour faire des partages, etc. : une nation n’est jamais dans ce cas-là ; et quant aux liquidations, aux ventes que les particuliers ont à faire, que leur importe la valeur de la monnaie ? Si elle est rare et chère, on leur en donne moins pour ce qu’ils ont à vendre, mais ils en donnent moins pour ce qu’ils ont à acheter[1]. Quelle qu’ait été dans

  1. On remarque cependant que les ventes s’opèrent plus aisément, non lorsque la valeur de la monnaie est basse, mais pendant qu’elle décline, comme lorsqu’on émet une trop grande quantité de papier-monnaie ; mais cet avantage, si c’en est un, ne s’obtient pas au moyen de ce qu’on nomme une balance favorable ; car le commerce n’a garde de porter des métaux dans un pays où leur valeur décline.

    On ne sera peut-être pas fâché de trouver ici, comme éclaircissement sur ce point, une note du traducteur anglais de cet ouvrage. « Il y a, dit-il, deux avantages à l’abondance et au bon marché relatif de la monnaie, et par conséquent de la matière dont elle est faite. 1o Une nation grevée d’une dette, doit désirer ce bon marché, parce qu’il diminue le poids des charges qui pèsent sur la nation, et rend sa libération plus facile, le cas opposé produit un effet contraire. 2o Les classes productives sont intéressées au déclin graduel de la valeur de la monnaie, parce qu’il diminue graduellement le poids du fermage des terres et les intérêts des capitaux prêtés, ainsi que le poids des remboursemens ; ce qui est une récompense acquise au profit des travailleurs, aux dépens des propriétaires oisifs. À la vérité cet avantage ne peut pas durer : tout nouveau capital prêté a une valeur réduite, aussi bien que l’intérêt auquel il donne droit, et tout nouveau bail de ferme est plus, élevé en raison de la dépréciation de la monnaie. Mais l’industrie, en attendant, profite de la circonstance, et la production est toujours stimulée par la hausse des prix en argent, et fort malheureuse dans le cas contraire ; témoin la détresse actuelle (en 1831, époque où, en réduisant la somme du papier-monnaie, on fit remonter sa valeur au niveau de celle de l’or). Mais ces avantages de la dépréciation de la monnaie ne sont pas un motif pour qu’un gouvernement la provoque par des moyens forcés : 1o parce que les inconvéniens qui en résultent pour la production l’emportent sur les avantages assignés ici ; 2o parce que des mesures forcées ne sauraient être suivies de l’effet qu’on se promettait, par les raisons déduites par notre auteur avec tant de force et de clarté dans cette digression. Un gouvernement peut cependant être approuvé de tendre aux mêmes avantages par d’autres moyens, soit en favorisant la découverte de nouvelles mines, soit en encourageant les progrès qu’on peut faire dans leur exploitation et dans le traitement des métaux, soit enfin en adoptant des substituts à la monnaie métallique. »

    Il n’échappera pas au lecteur cependant que les deux avantages signalés ici par M. Prinsep, ne sont au fond que deux banqueroutes très-mitigées, soit de l’état, soit des particuliers, envers leurs créanciers. (Voyez, sur ce point, l’opinion de M. Th. Tooke, rapportée plus loin, chapitre 26.)