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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVII.

qui fait gagner à leurs producteurs les profits de cette production. Je réponds que lorsqu’on envoie du numéraire à l’étranger, c’est précisément comme si l’on y envoyait des produits de notre industrie ; car les métaux précieux dont nous fesons commerce, ne nous sont pas donnés gratuitement et sont toujours acquis en échange de nos produits, soit d’avance, soit après coup. En général, une nation ne peut payer une autre nation qu’avec ses produits, par une raison bien claire ; c’est qu’elle n’a pas d’autre chose à donner.

Il vaut mieux, dit-on encore, envoyer à l’étranger des denrées qui se consomment, comme des produits manufacturés, et garder les produits qui ne se consomment pas, ou qui se consomment lentement, comme le numéraire. Mais les produits qui se consomment vite, s’ils sont les plus recherchés, sont plus profitables que les produits qui se consomment lentement. Forcer un producteur à remplacer une portion de son capital soumise à une consommation rapide, par une autre valeur d’une consommation plus lente, serait lui rendre souvent un fort mauvais service. Si un maître de forges avait fait un marché pour qu’on lui livrât à une époque déterminée des charbons, et que, le terme étant arrivé, et dans l’impossibilité de les lui livrer, on lui en donnât la valeur en argent, on serait fort mal venu à lui prouver qu’on lui a rendu service, en ce que l’argent qu’on lui offre est d’une consommation plus lente que le charbon.

Si un teinturier avait donné dans l’étranger une commission pour de la cochenille, on lui ferait un tort réel de lui envoyer de l’or, sous prétexte qu’à égalité de valeur c’est une marchandise plus durable. Il a besoin, non d’une marchandise durable, mais de celle qui, périssant dans sa cuve, doit bientôt reparaître dans la teinture de ses étoffes[1].

S’il ne fallait importer que la portion la plus durable des capitaux pro-

  1. On peut voir, au livre III, où il est traité des consommations, que, dans les consommations improductives, les plus lentes sont en général mieux entendues que les plus rapides ; mais ceci n’est pas vrai des consommations reproductives. Ici, les plus rapides sont les meilleures, parce que plus tôt le capital est reproduit, et moins on perd d’intérêts, plus on recommence souvent la production avec le même capital. La rapidité des consommations, d’ailleurs, ne regarde pas particulièrement les marchandises d’importation ; car, sous ce rapport, l’avantage ou l’inconvénient des consommations rapides est le même, soit que les produits viennent du dedans ou qu’ils viennent du dehors.