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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

La première est celle où il s’agit d’avoir une branche d’industrie nécessaire à la défense du pays, et pour laquelle il ne serait pas prudent de ne pouvoir compter que sur des approvisionnemens étrangers. C’est ainsi qu’un gouvernement peut prohiber l’importation de la poudre à canon, si cela est nécessaire à l’établissement des poudrières de l’intérieur ; car il vaut mieux payer cette denrée plus cher, que de s’exposer à en être privé au moment du besoin[1].

La seconde est celle où un produit intérieur, d’une consommation analogue, est déjà chargé de quelque droit. On sent qu’alors un produit extérieur par lequel il pourrait être remplacé, et qui ne serait chargé d’aucun droit, aurait sur le premier un véritable privilége. Faire payer un droit dans ce cas, ce n’est point détruire les rapports naturels qui existent entre les diverses branches de production : c’est les rétablir.

En effet, on ne voit pas pour quel motif la production de valeur qui s’opère par le commerce extérieur, devrait être déchargée du faix des impôts que supporte la production qui s’opère par le moyen de l’agriculture ou des manufactures. C’est un malheur que d’avoir un impôt à payer ; ce malheur, il convient de le diminuer tant qu’on peut : mais une fois qu’une certaine somme de contributions est reconnue nécessaire, ce n’est que justice de la faire payer proportionnellement à tous les genres de production. Le vice que je signale ici est de vouloir nous faire considérer cette sorte d’impôt comme favorable à la richesse publique. L’impôt n’est jamais favorable au public que par le bon emploi qu’on fait de son produit.

Telles sont les considérations qu’il ne faudrait jamais perdre de vue lorsqu’on fait des traités de commerce. Les traités de commerce ne sont bons que pour protéger une industrie et des capitaux qui se trouvent engagés dans de fausses routes par l’effet de mauvaises lois. C’est un mal qu’il faut tendre à guérir et non à perpétuer. L’état de santé relativement à l’industrie et à la richesse, c’est l’état de liberté, c’est l’état où les intérêts se protégent eux-mêmes. L’autorité publique ne les protége utilement que contre la violence. Elle ne peut faire aucun bien à la nation par ses entraves et ses impôts. Ils peuvent être un inconvénient nécessaire ; mais c’est méconnaître les fondemens de la prospérité des états, c’est

  1. Ce motif lui-même a peu de force ; il a été prouvé que le salpêtre s’accumule d’autant mieux dans un pays pour le moment du besoin, qu’on en tire habituellement davantage de l’étranger ; ce qui n’a pas empêché la législature française de frapper ce produit de droits énormes.